Le temps est plutôt frais et ils sont tous les deux enveloppés de pèlerines
de fourrures splendides.
Séshéké est situé sur la berge du Zambèze, assez élevée, à cet endroit.
Les crocodiles y sont un véritable fléau. Il y a quelques années encore,
au temps du roi Sépopa, les malfaiteurs étaient jetés au fleuve; ces
amphibies en ont gardé le goût de la chair hmuaine. Ils commettent
des méfaits sans nombre et sont toujours à l'affût près de l’endroit où
l’eau est puisée. Ils attendent le moment où leur victime se baisse,
pour l'abattre d’un formidable coup de queue, se retournent vivement,
l’entraînent dans l’eau et la noient. Deux des enfants indigènes
de la station ont ainsi disparu, l’un pendant qu’il lavait; le second,
qui jouait avec d’autres enfants, fut enlevé sous les yeux de ses
camarades. Une jeune fille qui allait remplir sa cruche subit le même
sort. Les indigènes croient que les crocodiles sont des êtres humains
décédés, qui reviennent sous cette forme, tourmenter les vivants;
ils les dénomment en disant : celui-là, c’est un tel, de tel village!
. Séshéké est compris dans le territoire de la tribu soumise des ma-
Soubia, qui va de Sékhosé jusqu’en amont de Ivazoungoula, y compris
le pays qui s’étend dans le triangle formé par le Zambèze et la rivière
que plusieurs cartes géographiques désignent à tort sous le nom de
Chobé. Elle est appelée Kuando dans son cours supérieur et Linyanti
depuis l’ancienne capitale des ma-Kololo jusqu’à son embouchure
dans le Zambèze, près de Ivazoungoula.
M. Coillard arriva pour la première fois, en 1878, à Séshéké; il.y
rencontra le voyageur portugais Serpa-Pinto, alors malade de la fièvre ;
il l’emmena à Leshoma où il le soigna et il le conduisit à Mangwato
(Béchuanaland). Aussi le major Serpa-Pinto a-t-il dédié à M. et à
Mme Coillard, en souvenir de toutes leurs bontés à son égard, l’un
des volumes concernant son exploration.
M. Coillard et M. Jeanmairet fondèrent la station missionnaire de
Séshéké en 188S ; M. le missionnaire Goy, arrivé en 1889 sur cette terre
africaine, prit quelque temps après la direction de ce poste. Il y aurait
beaucoup de choses à raconter sur l’énergique et dévoué missionnaire
de Séshéké qui sauva la vie du missionnaire anglais Baldwin,
que les indigènes accusaient de sorcellerie et auquel on allait faire un
mauvais parti. Cette station, très prospère, a une moyenne de quatre-
vingts catéchumènes et de cinquante enfants à l’école; le dimanche,
un auditoire d ’environ cent cinquante personnes, sans en excepter
la princesse Àkanangisa et son mari Mokua, remplissent la jolie
chapelle ‘.
38 septembre. — Au matin, nous reprenons nos canots; Rhatô, chef
influent de Séshéké, vient assister à notre départ. La tête peu engageante
d’un crocodile sort de l’eau ; peu après nous en apercevons deux
autres, qui se chauffent au soleil. Trois hippopotames nous saluent de
leurs grognements. A 11 heures, hourra! nous arrivons à l’embouchure
de la rivière Machilé, dont nous avons remonté le cours jusqu’à
sa source. De la berge, je vois à une distance de quatre ou cinq
kilomètres, le bouquet d’arbres où la rivière Kasaia opère sa jonction
avec la Machilé avant que cette dernière se jette dans le grand fleuve.
Nous avons établi près de là l’un de nos.premiers campements,
lors de notre arrivée dans cette contrée, lilass Africa me dit que
entre Ivazoungoula et Léalouyi, la Machilé est le seul des affluents du
Zambèze où vivent les hippopotames.
Plus Ibin, le fleuve est partagé en deux bras par l’île Katira. Que
1. Le 25 mars 1896, M. Goy tombait au champ d’honneur, enlevé à l’âge de trente-
trois ans, par les fièvres du pays.