Ils nous ont offert un cadeau, de valeur pour nous inestimable :
une marmite! Les trois ustensiles de ce genre que nous possédions
avaient été, dans notre vie accidentée, brisés depuis longtemps. Nous
avons eu aussi la satisfaction de manger de bon pain : l’un de nos
« boys ’qui remplit les fonctions de boulanger, n’arrive avec la
farine non blutée dont il dispose, qu’à confectionner une matière
aussi lourde que du plomb.
De bon pain et de l’eau potable, deux éléments dont il faut avoir
été privé pour les apprécier à leur juste valeur !
Ces trois messieurs n’avaient pas de sextant parmi leurs instruments
de précision. Au moyen des nôtres, nous avons pu leur donner la
latitude de leur campement.
La « British S.-A. Chartered Company » semble aspirer dans ces
parages à de hautes destinées.
Nous avons à plusieurs reprises empiété sur le territoire revendiqué
anciennement par Lobengula, le roi des ma-Tébélé, cette race de pillards,
d’une cruauté inouïe et qui ne font pas de merci à leurs prisonniers,
terreur des tribus environnantes et auxquels les armes coloniales
ont infligé une terrible leçon en 1893.
18 ju in . — Depuis Daka, nous cheminons au nord-ouest, à travers
une, rangée de collines; puis le long d’une vallée qui nous amène, peu
après avoir passé le lit de la rivière Mâtetsi, à Panda-Matenga. De
ce plateau, nous avons dans la direction du Zambèze une vue étendue
sur la contrée environnante, plaine immense coupée par des ondulations
de terrain boisées, dont la verdure sombre se détache sur les
tons clairs de la prairie. Depuis notre départ de Palapve, c’est à Panda-
Matenga que nous revoyons pour la première fois des huttes en terre;
pendant tout ce trajet nous n’avons rencontré que quelques misérables
abris, faits avec des branchages, des herbes séehées, et
qu’habitent les Bushmen, les ma-Saroua. Ce soir-là, nous fêtons
un anniversaire. Pendant la journée, nous avions eu la bonne
fortune de pouvoir acheter un morceau de chevreau; heureuse
diversion à notre nourriture dont le fond se composait, depuis
quelques jours, de viande de girafe apprêtée sous les formes les
plus diverses.
19 ju in . — Nous campons dans la prairie à Gazouma-Yley où
nous faisons établir des « kraals ». Ici est l’emplacement que nous
avons choisi pour renvoyer, une fois arrivés sur les bords du Zambèze,
les boeufs et une partie des chevaux que nous laisserons, ainsi
que les chariots, sous la garde de quelques hommes de confiance. Ils y
resteront pendant que nous pénétrerons dans le Pays des ba-Rotsi,
après avoir traversé le fleuve. À Gazouma-Vley, il y a de l’eau en abondance
et la mouche tsé-tsé, dont la piqûre provoque, dans un temps
plus pu moins prolongé, la mort presque certaine des animaux domestiques,
n’est pas à craindre.
. Ces kraals sont des enceintes entourées de branches d’arbres
épineux, qui doivent être assez serrées e t assez élevées pour que
les fauves ne puissent pas y pénétrer; chevaux et boeufs y seront
enfermés chaque soir.
Notre armement de chasse consiste en cinq « express rifles » et
quatre fusils à canons lisses, toutes armes de premier ordre. J ’ai aussi
emporté avec moi un mousqueton de cavalerie suisse, modèle 1893;
l’expédition possède en outre quelques « mannlicher », mousquetons
de cavalerie, dernier modèle.