d’oiseaux sur les rixes du Zambèze ! L’un des plus communs est l ’aigle
pêcheur entièrement blanc, sauf les ailes qui sont noires. Les bateliers
zambéziens, comme je l’ai vu de mes yeux, savent employer ce
bel oiseau pour fournir leur garde-manger. Lorsque l’aigle pêcheur
s ’est emparé d’un poisson et qu’il se retire sur la grève pour le dévorer,
ils lui jettent avec beaucoup d’habileté un bâton dans les pattes. L’oi-
-seau effrayé s’envole et parfois leur abandonne sa proie. Quelle variété
d’échassiers, depuis :1e pélican au bec disproportionné, jusqu’aux
mignons petits volatiles qui s§ confondent presque avec le sol. Un
vol de canards passe au-dessus de nous; espérons qu’ils seront aussi
succulents qu’ils sont beaux ; la tête est à moitié blanche et noire, la
gorge brun rouge, les ailes et le milieu de la poitrine noirs, les
côtés sont cendrés. Avant de dresser la tente pour la nuit, nous doublons
l’embouchure de la rivière Nguézi (Umgwezi). Plusieurs crocodiles
rôdent dans les environs ; pendant que nous établissons le
campement, nous en apercevons trois qui disparaissent sous l’eau en
recevant nos coups de feu.
39 septembre. — De bonne heure ce matin, un indigène vient me
vendre une sorte de poisson plat dont j ’ignore le nom et qui est loin
de valoir le délicat dombé de l’autre jour.
Nous glissons à travers un dédale d’îles et d’îlots qui appartiennent
au groupe de Mambova; elles sont en bonne partie, ainsi que les
rives, couvertes de grands et élégants roseaux à panaches blancs. Les
collines se sont de nouveau resserrées et nous arrivons aux rapides de
Mambova, les derniers avant d'atteindre Kazoungoula. Nous nous
y engageons; soudain, mon canot qui tenait la tête, touche de flanc
un gros récif. En quelques secondes, nous sombrons et l’eau
coule par-dessus bords. 11 faut opérer le sauvetage de mes effets
personnels et consacrer la journée à un séchage général sur la
rive voisine qui se trouve bientôt émaillée des objets les plus disparates.
Cette tâche est facilitée par l’ardeur du soleil; à 4 heures de
l’après-midi, tout est de nouveau en ordre; aucun dégât sérieux, à part
un certain nombre de mes clichés photographiques que je n’avais pu
ramener jusqu’ici qu’à grand’peine et qui prennent un bain des plus
malencontreux. Établi dans une hutte indigène, malgré la chaleur
de la journée, j ’ouvris toutes les boîtes les unes après les autres
et changeai les papiers qui me semblaient humides; j ’espère en
avoir sauvé ainsi une bonne partie. Enfin après avoir pris quelque
nourriture, nous continuons notre route. Boumoé semble chagriné
de cette aventure; ce jeune chef à la figure mobile et presque toujours
souriante est intéressant; il a un grand désir de bien faire. Une
touffe de poils blancs d’un animal sauvage est fixée dans ses cheveux
crépus, il change de toilette plusieurs fois par jour : le matin à la
première heure, il se revêt volontiers d’un ample manteau de fourrure;
plus tard, il jette sur ses épaules une pièce de cotonnade rouge
et blanche; son costume favori se compose d’une chemise et d’un gilet.
Comme ses compatriotes en général, il aime à avoir la tête découverte;
mais, il pensé sûrement qu’il convient à sa dignité de se coiffer
de temps en temps d’un feutre souple café au lait, ornementé d’une
plume d’autruche noire.