Vley où, comme je l’ai dit, nous avions laissé notre arrière-garde
avant de traverser le Zambèze.
Nous arrivons de bonne heure à Panda-Matenga. C’est là que la
British Chartered Company a, dans cette partie du pays, son poste le
plus avancé. Il se compose de quelques huttes en terre, dont la principale
est habitée par B..., le « fîeld coronet », Ce dernier, voyant mon
triste état, m offre 1 hospitalité. La hutte est divisée en deux parties,
on me couche dans celle qui sert d’entrepôt aux marchandises. Celles-
ci sé composent principalement de dépouilles de bêtes sauvages. En
guise de lit, un soubassement adossé à la muraille, de deux ou trois
pieds de hauteur, sur lequel des perches posées transversalement soutiennent
de la paille. Pendant la journée, c’est un va-et-vient continuel
de moricauds; je suis trop malade et trop faible pour y faire attention.
Malgré la commotion dont j ’avais souffert la veille, je me remis, à
tort, en selle dès le lendemain matin. Je ne tardai pas à me rendre
compte de ma faiblesse car, du 11 au 15 octobre, une crise aiguë se
déclara. Je fus pendant plusieurs jours dans une situation très critique.
Cependant je ne perdis jamais connaissance, ce qui entre autres
choses, me permit un jour d’entendre B... dire à Reid : « I thought
he was a dead man », J ’ai cru qu’il était un homme mort.
Tout mon sang affluait à la tête, il s’ensuivait des bourdonnements
désagréables. Je souffrais aussi de transpirations excessives qui
réduisirent mon corps à sa plus simple expression ; ma langue devint
noire à plusieurs reprises.
J ’ajouterai que B... et Reid, se rendant compte de la gravité du mal,
me soignèrent de leur mieux et selon les moyens qu’ils avaient à
leur disposition. Une nuit, B... qui veillait dans le réduit séparé du
mien par une large ouverture, se précipite près de moi armé de son
fusil. « Take this lantern ». r-^-« Prenez cette lanterne », me dit-il
vivement; ce que je iis avec peine. Un coup de feu retentit à mon
oreille ; mais vu mon état de prostration, j ’étais indifférent à ce qui se
passait autour de moi : il venait de tuer à bout portant un serpent
venimeux qu’il avait entendu s’introduire en sifflant dans la hutte.
15 octobre. — Aussitôt que je puis me tenir debout, dès le cinquième
jour après l’accident, les chariots sont attelés; bientôt tout
est prêt pour le départ dans la direction du sud. Dans cette première
période de ma convalescence, chaque effort représente pour moi une
souffrance; le cahotement du chariot, ainsi que les privations de toute
espèce, ne sont guère de nature à hâter mon rétablissement. Moins
de vingt-quatre heures après notre départ, nous arrivons sans accident
à la mare de Daka, où nous trouvons de l’eau.
Les difficultés vont recommencer; la première mare que nous rencontrerons
sera celle de Tamasetsie. Pour y arriver, nous devons
franchir environ quatre-vingts kilomètres à travers un sable épais et
pénible pour les attelages ; c’est le « thirst track », piste de la Soif, tan t
redouté des voyageurs.
%
18 octobre. — Quelle journée!! nous sommes en détresse dans le
sable par une chaleur torride. Les boeufs du grand chariot, dont les
roues sont actuellement presque hors de service, ne peuvent pas, malgié
tous les efforts, faire un pas de plus.
Nous avons heureusement derrière nous M. S ,.., un Irlandais qui
revient des chutes Victoria et avec qui nous avons fait bonne connaissance
à Panda-Matenga. Sa caravane se compose de trois grands