plaignant jamais et cependant toujours à la brèche, toujours prêts à
payer de leur personne. Et quelle belle tâche que celle de ces femmes
de missionnaires, les dignes émules de leurs maris! Pour les païens,
chez lesquels la femme est un être si inférieur à l’homme, quel
exemple est celui donné par la famille chrétienne!
Combien, d’une manière générale, cette phalange de « braves »,
disséminés dans les parties les plus reculées du monde, — les missionnaires,
— ne devraient-ils pas être davantage encore entourés de
sympathie et surtout aidés matériellement. Leur oeuvre est une
oeuvre civilisatrice dans l’acception du mot la plus noble et la plus
élevée.
M. Boiteux lui-même me fait traverser le Zambèze dans son canot;
arrivés sur la rive droite du fleuve, la dernière parole prononcée est :
« Au revoir ».
‘ Vers le soir, je rejoins Pirie et Reid qui, depuis hier, sont partis
en avant.
%
5-6 octobre. — Nous franchissons à pied la distance qui sépare
Kazoungoula des chutes Victoria (Victoria Falls), en suivant plus
ou moins le cours du Zambèze à travers une contrée rocailleuse, souvent
couverte de taillis, ondulée et coupée par des cours d’eaux qui
vont se jeter dans le fleuve. Comme à l’ordinaire, notre vie est assez
mouvementée. L’un dé nos hommes, Watcher, toujours imprudent,
s’est trouvé, non armé, presque nez à nez avec un léopard qui, heureusement,
faisait sa sieste. Il nous raconte qu’il a dû se blottir à terre
pour ne pas le réveiller et se tirer de ce mauvais pas sain et sauf.
Tout fier de sa trouvaille, Jonnes, le cuisinier, nous apporte un jour
une tortue d’eau, du poids de huit à dix livres.
Pendant la nuit, surtout, les moustiques nous font une guerre
acharnée, malgré les feux allumés devant et autour de la tente. Il
nous est parfois impossible de dormir, et, pour échapper à leurs
piqûres, nous nous mettons dans la fumée.
7 octobre. — Au matin, nous apercevons dans le lointain les vapeurs
qui se dégagent des chutes et nous en entendons le grondement. Si
l’on veut avoir une idée des Victoria F a lls1, il faut se représenter le
Zambèze, très large et roulant ses eaux d’une manière normale, au
milieu d’îles plantées de palmiers, lorsque soudain, sur sa route se
présente une coupure de rochers plus ou moins à pic, d’un profil
d’environ seize cents mètres, et profonde de cent à cent vingt. C est
dans ce gouffre, dont la largeur varie approximativement de quarante
à quatre-vingts mètres,, que le fleuve se précipite en faisant presque à
angle droit un coude au sud-est.
Pour admirer dans toute sa majesté cette merveille de la nature,
nous nous plaçons sur l’autre rive du gouffre, par conséquent en
facümême des chutes. Nous marchons au milieu de grands arbres
reliés entre eux p a r des lianes flexibles, peuplés de nombreux singes.
Ici et là, des massifs de fougères aux teintes claires se détachent
du sol.
En partant de l’ouest, nous voyons la première chute, la moins
considérable comme abondance. Contrairement aux autres chutes, ses
ondes frémissantes glissent sur les rochers en suivant un plan incliné.
Elle est séparée de la seconde par l’île Livingstone, ainsi nommée en
I. Les indigènes désignent les chutes sous le nom de « Mousi oa Thounya » (fumee
qui tonne).