de la grande fête chrétienne. Pères, mères, enfants et serviteurs,
voyagent à la façon patriarcale dans leurs wagons attelés de boeufs aux
longues cornes. Ils plantent leurs tentes, ou habitent leurs chariots
pittoresquement groupés, sur la place autour de l’église. J ’ai assisté
à un service divin accompagné de beaux chants.
Un Suisse, M. S..., arrivé au Transvaal il y a dix ans, m’engage à
passer la Noël chez lui, dans la ferme qu’il a louée à quinze kilomètres
de Prétoria; très aimable réception. Pour un Européen, cela fait une
singulière impression de trouver dans la salle à manger abondamment
garnie, un bel arbre de Noël et de voir au dehors, avec une température
de juillet, les jardins en fleurs et les arbres couverts de fruits.
Nous nous régalons de poires cueillies de nos mains.
Pendant les quelques jours passés chez M. S..., j ’ai eu l’occasion de
visiter sa ferme. Elle a une superficie de quatre mille hectares dont
quarante seulement en champs irrigués. Lorsque ces derniers sont en
outre bien fumés, ils' peuvent rapporter jusqu’à trente sacs de grains
par hectare; les parties non irriguées produisent cinq sacs seulement.
Le domaine consiste surtout en prés. Les vaches du pays donnent en
moyenne cinq litres de lait par jour et, chose curieuse, il faut leur
laisser les veaux assez longtemps, sinon leur lait tarit immédiatement.
Les vaches de Natal produisent environ le double de lait.
Des fruits et légumes européens croissent facilement; mais ils poussent
trop vite et ils n ’ont pas la même saveur que dans leur pays
d’origine; les pommes, poires, pêches', abricots, coings, fraises, framboises,
etc., sont récoltés de novembre à fin février. Cent livres de pois
-valent de trois à quatre francs.
Interrogé au point de vue de l’émigration, M. S..., d’après sa longue
expérience, ne recommande pas aux jeunes Européens, de tenter
l’agriculture dans le Transvaal et moins encore dans le Matébéléland.
11 ne tombe pas une goutte de pluie du commencement do mai à fin
août; en outre les sauterelles, les termites, la grêle, le gel, la sécheresse,
les différentes maladies du bétail *, la « horse sickness » en
particulier, affection spéciale du cheval, font une guerre acharnée à
l’agriculteur.
Peu satisfait des résultats obtenus en agriculture proprement dite,
M. S... a commencé il y a quelques années sur son domaine, une vaste
entreprise, l’établissement d’une forêt de 500 hectares, à 2500 plants
par hectare. Il a choisi à cet effet deux espèces d’eucalyptus, le
red-gum, qui résiste bien à la gelée, dont le bois s’emploie pour faire
des traverses de chemins de fer et pour le travail des mines; le
blue-gum croît rapidement, mais son bois est moins apprécié.
M. S... cultive plusieurs variétés de ces deux espèces; voici en quelques
mots sa manière d’opérer.
Les graines viennent à grands frais d’Australie. En décembre, il fait
ses semis en serre. Au milieu de janvier, les plants Sont repiqués à
dix centimètres l’un de l ’autre et quatre semaines après ces arbustes
ont déjà une hauteur de dix centimètres. Ils sont alors mis en pots,
puis transplantés dans le terrain qui sera plus tard la forêt et qui a
été préparé dans ce but. Au bout d’un a n , ces arbres sont
hauts de dix à douze pieds; l ’année suivante, lorsque les circonstances
ont été favorables, ils ont eu une croissance de six pieds.
Après cinq années de plantation, les arbres atteignent une moyenne
de cinquante à soixante pieds; le diamètre du tronc, mesuré à
quatre mètres au-dessus du sol, est alors de vingt-cinq centimètres.
Prétoria, la capitale de la république du Transvaal, bien située
1. Au commencement de d896, la peste bovine (Rinderpest) a éclaté en Afrique, semant
la ruine, la famine et la désolation après elle jusqu’au delà du Zambèze; les bestiaux, p ar
centaines de milliers, ont ainsi disparu ; on dit que dans le Béchuanaland seul, la perte
se monte à huit cent mille bêtes !