
164 V o y a g e en A n g l e t e r r e
conforme à la grandeur des bandes creuses
des roues des chariots, qui sont en fer
fondu et coupées en gorge comme une
poulie de métal.
Ces roues sont coulées d’un seul jet
dans un moule où la bande sort évidée :
cette grande canelure a plusieurs pouces
de profondeur et une largeur proportionnée
; c’est par-là que la roue s’emboîte
sur la solive saillante dont elle ne
peut plus sortir ni devoyer ; et comme
cette partie est bien graissée et que le
frottement la polit, des chariots à quatre
roues , portant huit milliers de charbon,
se meuvent par les loix du plan incline et
de la pesanteur, et marchent comme par
magie à la file les unes des autres jusqu’au
bord de la mer ; arrivés l à , une charpente
solide et artistement laite prolonge
la route encore de plusieurs toises en
avant, au-dessus de l’eau, et à une hauteur
qui permet aux navires de passer
dessous , en baissant leurs mats. Un homme
, en station sur cette platte - forme,
ouvre une trappe ; une espèce de grande
trémie en bois s’y présente, et se dirige
sur le vaisseau dont les ponts sont ouverts.
Le chariot arrive , s’arrête au-dessus
de la trappe $ son fond conique s’ou-
vre et tout le charbon coule en un instant
par la trémie, et vient tomber dans
le bâtiment. Le chariot étant vidé passe
sur une seconde route parallèle à la première
5 les autres chariots suivent la même
marche après s’être débarrassés de leur
poids, et dans un court espace de tems le
vaisseau se trouve chargé. Quelques chevaux
suffisent pour remonter, par la seconde
route, les chariots vides, qui reviennent
bientôt avec du nouveau charbon j
cette manoeuvre , aussi expéditive qu’économique,
dédommage amplement des avances
que coûtent de semblables chemins.
Je ne donne ici qu’un apperçu rapide
de ces chemins extraordinaires, qu’on a
variés encore de plusieurs manières $ il
me faudroit entrer dans des détails trop
longs et que la nature de cet ouvrage ne
comporte pas, si je voulois faire con-
noître tous les moyens heureux que l’industrie
et l’art ont employés pour opérer
des espèces de prodiges en ce genre ; car
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