
timidité invincible , l ’habitude de la retraite
, et l’importunité donnée à des hommes
célèbres , peuvent quelquefois passer
pour de la froideur ; mais cela se distingue
facilement.
M. Masckeline joignit à tant de complaisance
, celle de me présenter, de concert
avec M. Banks et M. Aubert, à M.
William Herschel, qui voulut bien m’engager
à aller voir son observatoire et les
grands télescopes de son invention à sa
maison de campagne, et me donna jour
pour cela.
A quatre heures, la commission ayant
fini son travail, tout le monde se réunit
chez un fameux traiteur du voisinage.
Nous étions environ trente à table ; le dîner
fut servi à la manière angloise, et
assaisonné, selon l ’usage , d’une bénédiction
préliminaire sur les convives et sur
les mets. Ce repas étoit excellent et surtout
gai et fort agréable.
On se leva de table à sept heures du
Soir, non pour partir, mais pour passer
dans une autre p ièce, où les tartines de
beurre, le thé , le café, l ’eau-de vie et le
rhum nous attendoient : le tout étoit disposé
avec beaucoup d’étalage , sur une grande
table. Le thé est toujours excellent, mais
nulle part on ne boit du plus mauvais
café qu’en Angleterre ; il faut que les
Anglois soient peu sensibles au parfum
délicieux de cette agréable liqueur , que
la nature semble avoir créée pour le corps
autant que pour l’esprit ; car non-seulement
elle fortifie l ’estomac sans lui nuire, mais
elle donne du toii à l ’ame sans la fatiguer
; Voltaire , qui en faisoit un grand
usage , l’appeloit avec raison la quintessence
de resprit.
Pourquoi donc le gouvernement, par
des raisons politiques et commerciales,
prive-t-il les Anglois du droit si naturel
d user chez eux d’un café qu’ils prépare-
roient selon leur g oû t, au lieu de les
contraindre à acheter chez des débitans
exclusifs, du café brûlé long-tems à l ’avance
, sans qualité et sans parfum ; il
semble qu’on ait cherché à les dégoûter
d’une liqueur si propre à chasser la mélancolie
, dans un pays où l’atmosphère
est presque sans cesse enveloppée d’un crê-
E a