
L ’on fait un grand secret de l’enduit qui
recouvre les canons , mais je ne serois pas
éloigné de croire qu’il est composé d’une
huile grasse dessicative, dans laquelle on
a introduit une certaine dose de vernis
de succin, mêlé avec de la plombagine (i).
Les grands atteliers où sont placés les
forreries de canons ne sont pas éloignés
de la première cour. Nous passâmes à côté
, mais on nous dit très - poliment que
des procédés particuliers , que des machines
inconnues à tout autre établissement
en ce genre , exigeoient qu’on tint ce lieu
caché aux étrangers : nous trouvâmes cela
fort raisonnable , et nous suivîmes notre
guide ailleurs (2).
Il nous conduisit dans les halles à fondre
les mines. Quatre hauts fourneaux de
quarante - cinq pieds d’élévation y dévo-
(1) J’ai fait, pour mon instruction, quelques essais en ce
genre , qui me paroissent remplir le même but.
(2) J’ai vu les belles forreries de canon de la fonderie du
Creuzot, près de Montcenis en Bourgogne , rien ne peut
¿galer la précision de ces grandes et superbes machines mises
en action par l’eau que des pompes à feu élèvent ; je
doute que celles de Caron les surpassent.
rent nuit et jour des masses énormes de
charbon et de minérais : qu’on juge après
cela de la quantité d’air qu’il faut pour
animer ces gouffres embrases qui vomissent
de six en six heures des ruisseaux de
fer liquide ; aussi chaque fourneau est-il
entretenu par quatre pompes à air du plus
gros calibre, où le vent comprimé dans
des cylindres de fe r , et se réunissant dans
un seul tuyau dirigé contre la flamme,
produit un sifflement aigu et un ébranlement
si violent, qu’un homme qui ne se-
roit pas prévenu d’avance auroit peine à
se défendre d’un sentiment de terreur.
Ces machines à vent, ces espèces de soufflets
gigantesques , sont mis en mouvement
par l’action de l ’eau. Une telle masse
d’air est indispensablement nécessaire
pour soutenir, dans le plus fort état d’in candescence
, une colonne de charbon de
terre et de minérais de quarante-cinq pieds
de haut : ce courant d’air est si rapide et
si actif qu’il élève une flamme vive et brillante
à plus de dix pieds de hauteur au-
dessus de la gueule des fourneaux.
Un emplacement d’une très-grande éten-
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