
viennent la nuit pour se trouver le lendemain
à Londres à l ’ouverture des affaires.
La soirée étoit de toute beauté , le tems
calme et d ou x , le ciel brillant d’étoiles 5
la route aussi soignée, aussi unie que l ’avenue
d’une promenade publique, étoit bordée
de baies vives, la plupart en fleurs,
servant de clôtures à de charmans jardins ,
à des parcs enrichis d’arbres étrangers, au
milieu desquels des maisons simples, mais
délicieuses , sembloient se disputer le terrain.
Cette route étoit couverte alors de nombreuses
calvacades d’hommes et des femmes
courans sur des chevaux .qui fen-
doient l’air, avec beaucoup de domestiques
à la suite. Des voitures de toute espèce
la plupart d’une grande élégance, mais
toutes solides et commodes, traînées par
les plus superbes attelages , se succédoient
sans interruption et avec une telle rapidité
, que ce tableau avoit l ’air magique,
et annonçoit une opulence et une population
dont on n’a pas d’idée en France ;
par-tout de l ’action, du mouvement, de
la vitesse, e t , par un contraste qu’on ne
voit que là , par-tout du calme, du silenc
e , de l ’ordre , par - tout un respect tacite
et inviolable pour les individus , partout
, au milieu de ce tourbillon impétueux
, qui se dirigeoit sur le même point,
une sorte de silence religieux si extraordinaire
qu’une pareille scène , foiblement
éclairée par la lueur mystérieuse des astres
de la n u it, transporte involontairement
celui qui en est témoin pour la première
fois, au milieu des champs fortunés
de l ’Elysée.
Mais l ’Elysée n’est qu’une fable, et ce que
je rapporte ici est fondé ; car c’est ce que
j ’ai vu , c’est ce que j’ai éprouvé, c’est ce
que les Anglois, et ceux qui connoissent
cet étonnant pays, trouveront exact. D’où
peut donc venir ce calme, au milieu de
tant d’agitation ? De l ’esprit public qui est
formé, de l ’éducation qui est bonne, de
la pensée sans cesse en action, du culte
même , qui , dégagé de toute vaine superstition
, consacre le jour du repos à
un pieux recueillement, et à la loi q u i,
venant à l ’appui, défend sévèrement les