
templer de près, à l’aide d’une lorgnette |
ils ont les yeux à demi - fermés ou dirigés
vers la terre, et prononcent lentement
et à de longs intervalles quelques
mots d’un ton mélancolique et sombre ,
appuyent les mains avec force contre la
balustrade de la tribune , et semblent faire
des efforts pour atteindre et comme pour
saisir des pensées.
Ils se balancent ensuite en avant , en
arriéré, quelquefois de c o t é d ’abord d’un
mouvement lent et uniforme , en proférant
quelques mots plus rapprochés, l ’action
redouble ensuite, et bientôt la contention
du corps et de l ’esprit attirent le sang
vers la tête 5 les joues se colorent, les pensées
naissent en foule , les expressions les
suivent, l ’ame et le coeur s’embrasent,
une sorte de tremblement (1) se manifeste,
et l ’orateur est inspiré.
Les femmes, dans ces circonstances,
suivent à peu près la même marche que
les hommes 5 elles ne sont ni plus ni moins
£1) C ’est ce qui leur a fait donner le nom de Trembleurs. '
parleuses. Beaucoup de ces discours sont
au-dessous du médiocre, quelques-uns sont
supportables, l ’on dit même qu’il y en a
de très-éloquens j mais tous sont pris en
très-bonne part : le sujet roulant sur les
devoirs de l ’homme, sur le pardon des offenses
, et sur la plus parfaite morale. J’entendis
un jour une femme improviser une
fort belle prière à Dieu ; il est possible
qu’elle la sut auparavant par coeur, ou
que son ame sensible lui eut inspiré ce
beau mouvement d’amour et de reconnaissance.
Les femmes nous donneront toujours
des leçons en ce genre.
Il y a des séances ou personne ne parle ,
et.cela doit être parmi des hommes estimables
, heureux par leur conscience , et
plus accoutumés à mettre la morale en action
qu’à la préconiser par des paroles ;
et comme il n’y a point ici de discours de
commande , ni de pasteur qui gouverne à
volonté le troupeau, on a pour règle unique
dans cette circonstance , de ne jamais
parler que d’après l’impulsion et l ’élan
de son coeur : o r , comme tout cela tient
à une ame ardente, à une imagination