
mais il faut des couteaux bien obtus, larges
et arrondis par le bout. Eh bien ! quel
mal y a - 1 - il ? C’est une arme de moins
dans la main des foux ou des scélérats.
En e ffe t, combien d’hommes malades
ou au desespoir s’en sont servis contre eux-
mêmes ? combien de monstres en ont fait
un cruel usage contre les autres ? La liste
en seroit longue sans doute, et il est probable
que si ce meuble utile n’eût pas eu
la forme d’un stilet, en France, en Italie
, en Espagne et ailleurs, il se seroit
beaucoup moins commis de crimes ou de
malheurs. Il y a long - tems que l ’on sait
que de grandes causes tiennent souvent
à de petites circonstances.
Mais j ’oublie que les fourchettes et les
couteaux servent à manger de très-excellentes
choses à la table du duc d’A rgille.
Les entrées, le rô ti, les entremets, tout
est servi ccmme en France, avec la même
variété et la même abondance, et si la
volaille n’est pas aussi succulente qu’à Paris,
l’on mange ici en revanche des gelinottes
et des coqs de bruyère au - dessus
de tout ; du poisson parfait, et des légumes
qui répondent à la réputation des jardiniers
écossois qui les font croitre.
Au dessert, la scène change ; tout dis-
paroît, nappes et serviettes ; le bois d’acajou
se montre à nu dans tout son éclat;
mais la table est bientôt couverte de flacons
brillans remplis des meilleurs v in s ,
de confitures dans de beaux vases de porcelaine
ou de cristal, et dés fruits de diverses
espèces dans des corbeilles élégantes;
Ton distribue des assiettes, beaucoup
de verres, et l ’extrême propreté r ivalise
avec l ’extrême élégance. Je fus
étonné , dans un climat aussi froid que celui
ci , de voir sur la même table et vers
le milieu du mois de septembre, de très-
belles pêches, de fort bons raisins, des
abricots , des prunes, des figues , des cerises
et des ilamboises ; à l’exception des
figues qui n’étoient pas bien succulentes,
sur-tout pour une personne née dans le midi
de la France, tous les autres fruits étoient
très-bons; mais il faut croire aussi que la
plupart étoient venus ’ à force de soins et
de dépenses dans des serres chaudes.
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