
'124 V oyage e n A n g l e t e r r e
où tout est fait avec une intelligence et
une méthode qui m’intéressèrent beaucoup
; mais dans les choses qu’on voulut
bien me permettre de v o ir , 'je n’observai
rien qui ne fut mis en pratique ailleurs 5
je crois , il est v ra i, qu’on m’a caché plusieurs
tours de main, car on n’a pas toujours
répondu à mes demandes : ce qu’au
surplus je ne saurois désapprouver. Mais
la grande presse, qu’on ne montre pas à
tout le monde, fut mise en oeuvre devant
moi, et on m’en fit connoître tous
les détails.
Elle est en fer et pèse vingt-deux mille
livres ; elle 'ne diffère guère des presses
ordinaires , si ce n’est que tout y est plus
en grand et d’un fini plus parfait. Quatre
hommes la font mouvoir et produisent
une pression très - puissante $ mais
lorsqu’on a besoin d’employer les derniers
degrés de force, on y adapte un équipage
de deux chevaux.
Des peaux de différentes espèces qu’on
me fit voir et qu’on regarderoit comme
ayant reçu le dernier apprêt dans les manufactures
ordinaires, c’est - à - dire, qui
étoient bien pressées et ne laissoient ap-
percevoir aucun vestige des matières grasses
qui avoient servi à le préparer, furent
mouillées efr mises en presse.
L ’eau qui en découla fut recueillie, et
dans les derniers efforts que fit la presse ,
une huile épaisse surnagea. C’est cette
matière grasse, me dit le maître, qui ran-
çit avec le tems et tourne en acide 5 elle
altère alors non - seulement les couleurs
qu’on applique sur ces peaux, et les fait
passer au noir , mais elle attaque leurs
grains et les réseaux qui leur donnent de
la consistance j ce qui les rend de peu de
durée. Cette observation me paroît juste,
et mérite d’être prise en considération par
les gens de l ’art.
Comme cette manufacture est considérable
, et qu’on ne laisse pas d’obtenir beaucoup
d’huile de cette manière, qui sans
cela seroit perdue, cette matière huileuse
est employée à la fabrication des suifs.