D E S C R I P T I O N
D E L ’É L É P H A N T .
Q u o i q u e l’on lâche que l’Éléphant eft le plus grand de
tous les quadrupèdes,, on ferait iûrpris en voyant pour la première
fois un animal, qui a jufqu’à quatorze pieds de hauteur & plus
de vingt-cinq pieds de longueur iorfqu’il tient là trompe étendue
en avant. Quelle énorme différence de cette malle prodigieufe
au petit volume de la Souris ou des Mulàraignes ! Auffi l’éléphant
(pl. I ) * paraît furehargé de ion propre poids : lès jambes ref-
femblent à quatre piliers mal drefles, qui foûtiennent Ion corps
informe, dont le dos eft voûté, la croupe ravalée & les flancs
prefqu’auffi renflés que les côtés. La tête tient au corps prelque
fans apparence de cou; elle eft terminée en arrière par deux
convexités, placées l’une, à côté de l’autre entre de très-larges
oreilles. Les yeux font exceffivement petits & féparés par un
large efpace relevé en boffe. Le mufeau eft très-différent de celui
de tout autre quadrupède ; on n’y voit que l’origine d’une très-
longue trompe, qui pend entre deux longues défenfès ; on
n’aperçoit la bouche qu’en regardant derrière la trompe, qui
tient lieu de lèvre fupérieure, celle du deffous fe termine en
* Cette figure a été deffinée d’après un modèle de I’élépTiant dont l’Empereur
des Turcs fit préfent au Roi de Naples, & quj a vécu long-temps
dans la Capitale de ce royaume , où il eft mort il y a quelques années.
M. Sali, fcuïpteur, de l’Académie royale de peinture & de fculpture de
Paris, modéla cet éléphant à Naples en 17 4 .5 ; M. Souflot, Contrôleur
général des bâtimens du R o i, à qui ce modèle appartient & qui a bien
voulu nous le prêter, m’a aflfuré qu’il avoit été fait avec beaucoup de foin,
& que l’on pou voit' compter fur la jufteflfe de fes proportions.
pointe. La queue de l’animal eft courte & très-mince, fur-tout
en comparaifon de la trompe , qui reftèmble à une grofîè &
longue queue placée en avant. Les pieds font très-petits, ronds
& difformes, on n’y diftingue que des ongles ; enfin l’éléphant
en repos fur fes jambes, eft un animal informe & coloflàl, qui
fembfe être arrêté & afiàiflé par la pefànteur de là maffe ; fà
longues face où l’on ne voit que de petits yeux, fans nez, ni
bouche, rend fà.phyfionomie ftupide; la trompe, qui cache
la bouche, qui tient lieu de nez, & qui eft accompagnée de
deux longues défenfes, fait une conformation étrange & unique
pour le mufeau d’un quadrupède. A des apparences fi défavorables,
qui reconnoîtroit l’animal lé plus adroit & le plus intelligent
de tous les animauxf .■
■ L ’Auteur de; la Nature a mis,, fous la phyfionomie ftupide
de l'éléphant, un inftinét admirable; les parties de fon corps ont
tant de vigueur & de force, que la maffe énorme quelles
compofent, fe meut avec facilité & même avec, promptitude :
fouvent il marche très-vite, & il s’agite avec furie; ; fes jambes,
qui paroiflènt fi roides, fe plient comme celles des autres animaux;
il fe couche & il fe relève avec toute l’ailànce que peut
permettre la pefànteur de fon corps. La trompe, cet organe
particulier à l’éléphant , eft le principal agent qu’il emploie
pour fes befoins & pour fà défenfe : la force dont les grands
animaux font feuls capables, l’agilité & l’adreffe qui font le partage
des petits animaux, font réunies dans cette trompe, elle eft
plus forte que la patte du tigre & de fours, & auffi adroite
que la main du finge. :
La trompe de i’éléphant eft,> à proprement parler, fon nez,
prolongé en forme de tuyau & terminé par les ouvertures des
narines, qui font en effet au bout de la trompe. Le groin des