
 
		go  H i s t o i r e   N a t v r e l  l e   
 ■n  peintre,  pour  le  faire  demeurer  en  cet  état,  lui  jetoit  
 ?»  des  fruits  dans  la  gueule,  &  le plus  fouvent  fàifoit  fem-  
 ?»  biant  d’en  jeter,  il  en  fut  indigné,  &  comme  s’il  eût  
 ?»  connu  que  l’envie  que  le  peintre  avoit  de  le  deffiner  
 »»  étoit  la  caufe  de  cette  importunité,  au  lieu  de  s’en  
 ?»  prendre  au  valet,  il  s’adreffa  au  maître,  &  lui  jeta  par  fa  
 ?»  trompe  une  quantité  d’eau,  dont  il  gâta  le  papier  fur  
 ?>  lequel  le  peintre  deffinoit. 
 »>  Il  fe  fervoit  ordinairement  bien  moins  de  fa  force  
 »  que  de  fon  adreffe,  laquelle  étoit  telle  qu’il  s’ôtoit  
 »»  avec  beaucoup  de  facilité  une  greffe  double  courroie,  
 »  dont  il avoit  la jambe  attachée,  la defaifànt  de  la  boucle  
 „   &  de l’ardillon ;  &  comme  on  eut entortillé  cette boucle  
 „  d’une  petite  corde  renouée  à  beaucoup  de  noeuds  ,  
 ,»  il  dénouoit  tout  fans  rien  rompre.  Une  nuit après  s’ être  
 ?»  ainfi  dépeftré  de  fa  courroie,  il  rompit  la  porte  de  fà  
 „   loge  fi  adroitement,  que  fon  gouverneur  n’en  fut point  
 »>  éveillé;  de-là  il  pafîà  dans  plufieurs  cours  de  la Ména-  
 „   gerie,  brifant  les portes  fermées,  &   abattant  la maçon-  
 „  nerie  quand  elles  étaient  trop petites pour le Jaiffer paffer,  
 „   &  il  alla  ainfi  dans  les  loges  des autres  animaux,  ce  qui  
 „ le s   épouvanta  tellement,  qu’ils  s’enfuirent  tous  fe  cacher  
 dans  les  lieux  les plus  reculés  du  parc». 
 Enfin  pour  ne  rien  omettre  de  ce  qui  peut  contribuer  
 à  faire  connoître  toutes  les  facultés  naturelles  
 &  toutes  les  qualités  acquifes  d’un  animal  fi  fupérieur  
 aux  autres,  nous  ajoûterons  encore  quelques  faits  que  
 Cious  avons  tirés  des  voyageurs  les  moins  fufpects, 
 « L ’éléphant 
 ne  « 
 d e   l ’É l é p h a n t . 
 L ’éléphant même  fauvage  (  dit  le P. Vincent Marie)  
 JaifTepas d ’avoir  des  vertus;  il  efl généreux & tempérant,  «  
 & quand  il  efl domeftique  on  l’eflime  par  fà  douceur  &  |   
 là  fidélité ^envers  fon  maître,  fon  amitié  pour  celui  qui  «  
 le  «ouverne,  &c.  S ’il  efl  defliné.  à  fervir  immédiate-  «  
 ment  les  Princes,  il  connoît  fà  fortune  &  conferve  une  «  
 gravité  convenable  à  fon  emploi  ;  fi  au  contraire  on  «  
 le  deftine  à  des  travaux  moins honorables,  il  s’attrifle,  «  
 fe  trouble  &  iaiffe  voir clairement  qu’il  s’abaiffe  malgré  «  
 lui.  A   la guerre,  dans  le premier  choc,  il  efl  impétueux  «  
 &  fier,  il  efl  le  même  quand  il  efl  enveloppé  par  les  «  
 chaffeurs ,  mais  il  perd  le  courage  lorfqu’il  efl  vaincu....  «  
 IJ  combat  avec  fes  défenfes,  &  ne  craint  rien  tant  que  «  
 de  perdre  fa  trompe,  qui  par  fa  confiftance  efl  facile  « 
 à  couper___  Au  refie,  il  efl  naturellement  doux,  il« 
 n’attaque  perfonfie  à  moins  qu’on  ne  l’offenfe,  il  fem-  «  
 ble  même  fe  plaire  en  compagnie,  &  il  aime  fur-tout  «  
 les  enfans,  il  les  careffe  &  paraît  reconnoitre  en  eux  «  
 leur  innocence.  « 
 L ’éléphant  (  dit  François  Pyrard  *  )  efl  l’animal  «  
 qui  a  le  plus  de  jugement  & de  connoiffance,  de  forte  «  
 qu’on  le  dirait  avoir  quelque  ufàge  de  raifon,  outre  «  
 qu’il  efl  infiniment  profitable  &  de  fervice  à  l’homme.  «  
 S ’il  efl  queflion  de  monter  deffus,  il  efl  tellement  fou-  
 pie,  obéiflànt &  dreffé  pour  fe  ranger  à  la  commodité  «  
 de  l’homme  &  qualité  de  la  perfonne  qui  s’en  veut  «  
 fervir,  que  fe  pliant  bas  il  aide  lui-même  à  celui  qui  «  
 *   Voyage  de  François  Pyrard. Paris,  i  6 1 }   ,  tome  11, page  y  6 S. 
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