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coucher par force a, il faut enfuite des machines po 'r
le relever & le remettre en pied ; fes défenfes , qui
deviennent avec lag e d’un poids énorme, n’étant pas
fi tuées dans une poi.tion verticale, comme les cornes
des autres animaux, forment deux Io n s leviers, qui
dans cette direétion prefque horizontale, fatiguent pro-
digieufement la tête & la tirent en bas ; en forte que
l ’animal eft quelquefois obligé de faire des trous dans
le mur de fa loge pour les foûtenir & fe foulager de
leur poidsb. Il a le defàvantage d’avoir l’organe de 1 o-
dorat très-éloigné de celui du goût, 1 incommodité
de ne pouvoir rien faifir à terre avec fa bouche, parce
que fon cou court ne peut plier pour laiffer baiffer affez
la tête; il faut qu’il prenne fa nourriture, & même là
boiffon, avec le n e z , il la porte enfuite non pas à
l’entrée de la gueule, mais jufqu’à fon gofier, & lorfque
fa trompe eft remplie d’eau, il en fourre l’extrémité *
* N ous avons appris de ceux qui ont gouverné a V er (ailles I éléphant
dont nous parlons, que les huit premières années qu'il y a v é cu , il le
couchoit & le relevoit avec beaucoup de facilité, & que les cinq
dernières années il ne (è couchoit plus pour dormir, mais qu’il s’ap-
puyoit contre le mur de là lo g e , en forte que s’il arrivoit qu il fe
couchât quand il étoit malade, il flilloit percer le plancher du deflus
pour le relever avec des engins. Mémoires pour feryir à l'hiftoire des
Animaux, page / 04.
1 On nous a (ait voir que l’éléphant avoit employé lès défenfes a
faire des trous dans les deux faces d’un pilier de pierre qui fortoit du
mur de fà lo g e , & ces trous lui fervoient pour s’appuyer quand il
«Lermoit, fes défenfes étant fichées dans ces trous. Id, page 1 0 2,
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jufq l’à la racine de la langue \ apparemment pour ra-
baiffer lepigbte & pour empêcher la liqueur, qui pafe
avec impétuofité, d’entrer dans le larynx; car il pouffe
cette eau par la force de la même haleine qu’il avoit
employée pour la pomper, elle fort de la trompe avec
bruit & entre dans le gofier avec précipitation ; la
langue, la bouche , ni les lèvres ne lui fervent pas
comme aux autres animaux a fucer ou laper Ci boiffon.
De-là paraît réfulter une confcquence finguiière, c ’eft
que le petit éléphant doit teter avec le nez & porter
enfuite à fon gofier le lait qu il a pompe ; cependant
les Anciens ont écrit qu’il tetoit avec la gueule & non
avec la trompe b ; mais il y a toute apparence qu ils
n’avoient pas été témoins du fait 8c qu ils ne 1 ont
fondé que fur l’analogie, tous les animaux n’ayant pas
d’autre manière de teter. A^ais fi le jeune éléphant
avoit une fois pris l’ufàge ou I habitude de pomper
avec la bouche en fuçant la mamelle de fa mère ,
pourquoi la perdrait-il pour tout le refte de fa vie.
pourquoi ne fe fert-il jamais de cette partie pour
pomper l’eau lorfqu’il eft à portée î pourquoi ferait-il
toujours une action double, tandis qu une fimple fiiffiroit.
pourquoi ne lui voit-on jamais rien prenure avec fa
’ Mém. pour fervir à l ’hift. des Animaux, part. I I I , page 1 op.
b Pullus éditas ore fugit, non promufeide, ù J Jlatim cùm natus ejl ce mit
ambulat. Arift.hift. Anim. iib. V I , cap. x x v n . - Anniculo quidem
vitulo oequalem pullum edit elephantus, qui Jlatim, ut natus eji, are fugit,
Ælian de nat. Anim. Iib. IV , cap. n i. H ij