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 donc  pas  une  ame  humaine ;  cela  feul  devrait  fufEre  
 pour  le  démontrer  aux  Indiens. 
 En  écartant  les  fables  de  la  crédule  antiquité  ,  en  
 rejetant  auïïi  les  frétions  puériles  de  la  fuperftition  
 toujours  fubfiftante,  il  relie  encore  allez  à  l’éléphant,  
 aux  yeux  mêmes  du  philofophe,  pour  qu il  doive  le  
 regarder  comme  un  être  de  la  première  diltinétion  ;  il  
 elt  digne d ’être  connu,  d’être  obfervé;  nous  tâcherons  
 donc  d’en  écrire  l’hilloire  fans  partialité,  c ’eft-à-dire,,  
 fans admiration  ni mépris, nous le confidérerons d’abord  
 dans  fon  état de  nature  lorfqu’il  elt indépendant & libre,  
 &  enfuite  dans  fa  condition  de  fervitude  ou  de  domef-  
 ticité,  où.  la  volonté  de  ion  Maître,  elt  en  partie  le  
 mobile  de  la  lienne. 
 Dans  l’état de fauvage,  l’éléphant  n’efl ni  fanguinaire,  
 ni  féroce,  il  elt  d’un  naturel  doux,  &  jamais  il  ne  fait  
 abus  de  fes  armes  ou  de  fa  force^  il  ne  les  emploie, 
 11  ne  les  exerce  que  pour  fe  défendre  lui - même  ou  
 pour  protéger  fes  femblabies  ;  il  a  les  moeurs  fociales,  
 on  le  voit  rarement  errant  ou  folitaire ;  il  marche  ordinairement  
 de  compagnie,  le  plus  âgé  conduit  la  
 troupe  *  ,  le  fécond  d’âge  la  fait  aller  &  marche  le  
 dernier;  les  jeunes  &   les  foibles  font  au  milieu  des-  
 autres;  les  mères  portent  leurs  petits  &  les  tiennent 
 *  Elephanti gregatim femper  ingrediuntur ;   dùcit  agmen maximus  natu,  
 a g it  Mate proximus.  Amnes  tranfüuri  minimos  proemittunt,  ne  majorura  
 incejju  atterente  alveumcrefçat  gurgitis  allitudo.  Plin.  Hiitor.  naturaL  
 Jib. V III, cap.  iembralTés  
 de leur  trompe ;  ils  ne  gardent  cet  ordre  que  
 dans  les  marches  périlleufes,  lorfqu’ils  vont  paître  fur  
 des  terres  cultivées;  ils  fe  promènent  ou  voyagent  avec  
 moins  de précaution  dans  les  forêts &  dans  les folitudes,  
 fans  cependant  fe  féparer  abfolument  ni même  s’écarter  
 alfez  loin  pour  être  hors  de  portée  des  fecours  &  des  
 avertiffemens :  il  y  en  a  néanmoins  quelques-uns  qui  
 s’égarent  ou  qui  trament  après  les  autres,  &   ce  font  
 lesfeuls  que  les  chalfeurs  ofent  attaquer;  car  il  faudrait  
 une  petite  armée  a  pour alfaillir  la troupe  entière, &  1  on  
 ne  pourrait  la vaincre  fans  perdre  beaucoup  de  monde;  
 il  ferait  même  dangereux  de  leur  faire  la  moindre  injure  
 b,  ils  vont  droit  à  l’offenfeur,  &  quoique  la maffe 
 ’ J e   tremble  encore  en  vous  écrivant,  iorfque  je  penfe  au  danger  
 auquel  nous nous  expofames  en  voulant  fuivre  un  éléphant  lâuvage ;  
 car  quoique  nous  ne  fuifions  que dix ou douze,  dont  la moitié navoit  
 pas  de  bonnes  armes  à  feu,  nous  l’aurions  pourtant  attaqué,  Ci  nous  
 eullîons pû  le  joindre:  nous  nous  imaginions  de  le  pouvoir  tuer  avec  
 deux  ou  trois  coups  de  inoufquet;  mais  j’ai  vu  dans  la  fuite  que  
 deux ou  trois  cents hommes ont de  la  peine  à en venir à bout.  Voyage  
 de  Guinée,  par Guillaume  Bofman,  page  4 3 6. 
 b Soient  elephanti  magno  numéro  confertim  incedere,  &  ft  quemdam.  
 obvium habuerint, vel devitant, vel illi cedunt;  at J ! quemdam injuria afficere  
 relit, probofcidefublatum in  terram dejicit, pedibus deculcans  donec mortuum  
 reliquerit.  Leonis  Africani  Defcript.  Africæ.  Lugd.  Batavor.  1 6 3 2 ,   
 pag.  7 4 4 . —  Les  Nègres  rapportent  unanimément  de  ces  animaux,  
 que  s’ils  rencontrent  quelqu’un  dans  un  bois,  ils  ne  lui  font  aucun  
 mal,  pourvu  qu’il  ne  les  attaque point; mais qu’ils deviennent furieux  
 lorfqu’on  leur  tire  deffits  &  qu’011  ne  les  bleffe  pas  à mort.  Voyage  
 de  Guinée,  par  Bofman, page  2 f y .  —  L ’éiéphant  làuvage  eft  venu