foin qu’on en prenne, l’éléphant ne vit pas long temps
dans les pays tempérés & encore moins dans les climats
froids ; celui que le roi de Portugal envoya à Louis XIVj
en 16 6 8 * , & qui n’avoit alors que quatre ans, mourut
à dix-fept ans, au mois de janvier 1681 , & ne fubfifla
que treize ans dans la Ménagerie de Veriàilles, où
cependant il étoit traité foigneufement & nourri largement;
on lui donnoit tous les jours quatre-vingts livres
de pain, douze pintes de vin & deux féaux de potage,
où il entroit encore quatre ou cinq livres de pain, &
de deux jours l’un, au lieu de potage, deux féaux de ris
cuit dans l’eau, fans compter ce qui lui étoit donné par
ceux qui le vifitoient; il avoit encore tous les jours une
gerbe de bled pour s’amufer, car après avoir mangé le.
grain des épies, il faifoit des poignées de la paille, & if
s’en fervoit pour chaffer les mouches; il prenoit piaifir
à la rompre par petits morceaux, ce qu’il faifoit fort
adroitement ayee là trompe, & comme on le menoit
promener prefque tous les jours, il arrachoit de l’herbe'
& la mangeoit. L ’éléphant qui étoit dernièrement à
Naples, où , comme l’on lait, l i chaleur ,eft plus grande
qu’à Paris, n’y a cependant vécu qu’un petit nombre.
d’années: ceux qu’on a tranfpertés vivans jufqua Pé-
terfbourg périffent fucceffivement, malgré l’abri, les
couvertures, les poêles; ainfi l’on peut alfurer que cet
animal ne peut fubfifter de lui-même nulle part en
* Mémoires pour feryir à l’Hiftoire des Animaux, Partie I I I ,
pages 1 a i & 13-7-
Europe, & encore moins s’y multiplier. Mais je fuis
étonné que les Portugais qui ont connu, pour ainfi dire,
les premiers le prix & l’utilité de ces animaux dans les
Indes orientales, n’en aient pas tranfporté dans le climat
chaud du Brefil où peut-être, en les biffant libres, ils
auroient peuplé. La couleur ordinaire des éléphans eft
d’un gris cendré ou noirâtre; les blancs, comme nous
l ’avons dit, font extrêmement rares*, & on cite ceux
“ Quelques perfonnes, qui ont demeuré long-temps à Pondicherr,
nous ont paru douter qu’ii exifte des éléphans blancs & rouges; iis
affinent qu’il n’y en a jamais eu que de noirs, du moins dans cette
partie de l ’Inde : il eft vrai, difent-ils, que fi l ’on eft un certain temps
fans les laver, la pouiïière qui s’attache à leur peau huileufe & exactement
rafe, les fait paraître d’un gris-làle, mais en ortant de l’eau
ils font noirs comme du jai. J e crois en effet que le noir eft la
couleur naturelle des éléphans, & qu’ il ne le trouve que des éléphans
noirs dans les parties de l ’Inde que ces perfonnes ont été à portée
de parcourir ; mais il me paraît en même temps qu’on ne peut douter
qu’à Ce ylan , à Siam , à P é gu , à Cambaie, &c. il ne fb trouve
par halârd quelques éléphans blancs & rouges. O n peut citer pour
témoins oculaires le chevalier de Chaumont, l’abbé de C h o ily , le
P . Tachard, Van-der Hagen, Jo o ft Schuten, T he venot, O gilb y &
d ’autres voyageurs moins connus. Hortenfels, q u i, comme l ’on
fait, a raffèmblé dans Ion Ëlephantagraphia une grande quantité de
faits tirés de differentes Relations, allure que l’éléphant blanc a non
feulement la peau blanche, mais auffî le poil de la queue blanc soon
peut encore ajouter à tous ces témoignages l’autorité des Anciens.
jEiien (lit. I I I , cap. XLVl) parle d’un petit éléphant blanc aux Indes,
& paraît indiquer que la mère étoit noire. Cette variété dans la
couleur des éléphans, quoique rare, eft donc certaine & même
très-ancienne, & elle n’eft peut-être venue que de leur domefticité?
qui dans les Indes eft aulîl très-ancienne.