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 33  enflent  des  chaînes  &  des  cordes  autour  de  leur  corps  
 33  & même  de  leurs  jambes.  Ges  gens-ià  nous  dirent  une  
 33  chofe  iurprenante  &  qui  eft  tout-à-fait  admirable,  fi  
 «  on  peut  la  croire ;  c’eft  que  ces  éléphans  ayant  été  une  
 »  fois  attrapés  & étant  fortis  du  piège,  fi  on  les  fait  entrer  
 $   dans  les  bois,  ils  font  dans  la  défiance  &   arrachent  
 a  avec  leur  trompe  une  greffe  branche  dont  ils  vont,  
 »  fondant  par-tout  avant  que  d afleoir  leur  pied,  s’il  n’y  
 k  a  point  de  trous  à  leur  paflàge  pour  n’ être  pas  attrapés  
 33  une fécondé fois;  ce  qui  fkifoit defefpérer aux  chaffeurs,  
 33  qui  nous  contoient  cette  hiftoire.,  de  pouvoir  reprendre 
 51  aifément  les  trois  éléphans  qui  leur  étoient  échappés__ 
 33  Nous  vimes  les  deux  autres  éléphans  qu’on  avoit  pris,  
 33  chacun  de  ces  éléphans  fàuvages  étoit  entre  deux  
 à   éléphans  privés;  &  autour  des  fàuvages  il  y  avoit  fix  
 »  hommes  tenant  des  lances  à  feu ,  qui  parloient  à  ces  
 |   animaux,  en  leur  préfentant  à manger,  & difànt,  en  leur  
 V  langage,  -prends-cela  i r   le mange.  C ’étoient  des  petites  
 g  bottes  de  foin,  des morceaux  de  fucre  noir  &  du  riz  
 i   cuit  avec  de  l’eau  &  force  grains  de  poivre.  Quand  
 »  l’éléphant  fàuvage  ne  vouloit  pas  faire  ce  qu’on  lui  
 33  commandoit,  les  .hommes  ordonnoient  aux  éléphans  
 |   privés,  de  le battre,  ce  qu’ils  faifoient  auflï-tôt,  l’un  le  
 ?  frappant  fur  le  front  &  fur  la  tête  avec  fà  trompe,  &  
 »  lorfqu’il  faifoit  mine  de  fe  revancher  contre  celui - là ,  
 33  l’autre  le  frappoit  de  fon  côté,  de  forte  que  le  pauvre  
 33  éléphant  fàuvage  ne  fivoit  plus  où  il.en  étoit,  ce  qui  
 33  lui  apprenoit  à  obéir. 
 J ’ai  plufieurs  fois  obfervé  (  dit  Edward  Terri  *  j  «  
 que  l’éléphant  fait  plufieurs  chofes  qui  tiennent  plus  du  «  
 raifonnement  humain  ,  que  du  fimple  inflinét  naturel  «  
 qu’on  lui  attribue.  Il  fait  tout  ce  que  fon  maître  lui  «  
 commande,  s’il  veut  qu’il  faffe  peur  à  quelqu’un,  il«   
 s’avance  vers  lui  avec  la  même  fureur  que  s’il  le  \40u-  «  
 loit  mettre  en  pièces,  &  lorfqu’il  en  eft  tout  proche,  «  
 il  s’arrête  tout  court  fans  lui  faire  aucun  mal.  Si  le  «  
 maître  veut  faire affront  à  un  autre,  il  parle  à  l’éléphant,  «  
 qui  prendra  avec  fa  trompe  de  l’eau  du  ruiffeau  &  de  «  
 la  boue,  &   la  lui  jettera  au  nez.  Sa  trompe  eft  faite  «  
 d’un  cartilage,  elle  pend  entre  les  dents.  Quelques-uns  «  
 l’appellent  fa   main,  à  caufe  qu’en  plufieurs  occafions  «  
 elle  lui  rend  le  même  fervice  que  la  main  fait  aux  « 
 hommes___  L e  Mogol  en  a  qui  fervent  de  bourreaux  « 
 aux  criminels  condamnés  à  mort.  Si  leur  conduéleur «  
 leur  commande  de  dépêcher  promptement  ces  mifé-  «  
 râbles,  ils  les  mettent  en  pièces  en  un  moment  avec  «  
 leurs  pieds,  &   au  contraire  s’il  leur  commande  de  les  «  
 faire  languir,  ils  leur  rompent  les  os  les  uns  après  les  «  
 autres,  &  leur  font  fouffrir  un  fupplice  auffi  cruel  que  «  
 celui  de  la  roue  ». 
 Nous  pourrions  citer  encore  plufieurs  autres  faits  
 auffi curieux  &  auffi  intéreflàns  que  ceux  qu’on  vient  de  
 lire;  mais  nous  aurions  bien-tôt  excédé  les  limites que  
 nous  avons  tâché  de  nous  prefcrire  dans  cet  ouvrage,  
 nous  ne  ferions  pas  même  entrés  dans  un auffi  grand  
 *   Voyage  aux  Indes  orientales  par  Edward  T erri,  page  i  j . 
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