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 courbées  en  cercle  &   tournées  en  arrière,  celui  des  
 boucs  efl  de  les  avoir  plus droites  &  tournées  en  haut;  
 ce  font-là,  diront-ils,  les  marques  diftin&ives  &  les  
 fignes  infaillibles  auxquels  on  reconnoîtra  toujours  les  
 brebis  &  les  chèvres;  car,  ils  ne  pourront  fe  difpenfer  
 d’avouer  en  même  temps  que  tout  le  refte  leur  eft  
 commun ,  les unes &  les autres n’ont point de  dents  inci-  
 fives  à  la  mâchoire  fupérieure,  &  en  ont  huit  à  l’inférieure, 
  les unes &  les autres  n’ont point de dents  canines;  
 ces  deux  efpèces  ont  également  le  pied  fourchu,  elles  
 ont  des  cornes  fimpies &  permanentes,  toutes deux  ont  
 les mamelles dans  la même  région du ventre, toutes deux  
 Vivent  d’herbes &   ruminent;  leur  organifàtion  intérieure  
 eft  encore  bien  plus  femblable,  car  elle  paraît  être  ab-  
 folument  la  même  dans  ces  deux  animaux ;  le  même  
 nombre  & la même  forme  pour  les  eftomacs,  la même  
 difpofition de  vifcères &   d’inteftins,  la  même  fubftance  
 dans  la  chair  ,  la . même qualité particulière dans la graifle  
 &   dans  la  liqueur  feminale  ,  le  même  temps  pour  la  
 geftation,  le même  temps  encore  pour  l’accroilfement  
 &  pour  la durée  de  la vie.  Il  ne  refte  donc  que  la  laine  
 &   les  cornes,  par  iefquelles  on  puifle  différencier  ces  
 efpèces;  mais  comme  nous  l’avons  déjà  fait  fentir,  la  
 laine  eft moins  une  fubftance  de  la Nature,  qu’une  production  
 du  climat,  aidé  des  foins  de  l’homme,  &  cela  
 e ft  démontré  par  le  fait ;  la  brebis  des  pays  chauds,  la  
 brebis  des  pays  froids,  la  brebis  fauvage  n’ont  point 
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 de  laine,  mais  du poil ;  d’autre  côté  les  chèvres  dans  
 des  climats  très - doux  ont  pluftôt  de  la  laine  que  du  
 p oil,  car  celui  de  la  chèvre  d’Angora  eft  plus  beau  &  
 plus  fin  que  la laine  de nos moutons ;  ce  caractère  n’eft  
 donc  pas  effentiel,  il  eft  purement  accidentel & même  
 équivoque,  puifqu’il  peut  également appartenir  ou  manquer  
 à  ces  deux  efpèces  fuivant  les  différens  climats-  
 Celui  des  cornes paraît  être  encore  moins certain,  elles  
 varient pour le nombre,  j>our la grandeur,  pour fa forme  
 &   pour  la  direction.  Dans  nos  brebis  domeftiques,  les  
 béliers  ont  ordinairement  des  cornes  &  les brebis  n’en  
 ont  point ;  cependant,  j ’ai  fouvent  vû  dans  nos  troupeaux  
 des  béliers  fans  cornes,  &  des  brebis  avec  des  
 cornes;  j ’ai  non  feulement  vû  des  brebis  avec  deux  
 cornes,  mais  même  avec  quatre  ;  les brebis  du  Nord  
 &  d’Iflande  en  ont  quelquefois  jufqu’à  huit :  dans  les  
 pays  chauds,  les béliers  n’en  ont  que  deux  très-courtes,  
 &  fouvent  ils  en manquent,  ainfi  que  les brebis;  dans  
 les  uns  les  cornes  font  liftes &  rondes;  dans  les autres,  
 elles  font  cannelées  &   aplaties;  la  pointe  au  lieu  d’être  
 tournée  en  arrière,  eft  quelquefois  tournée  en  dehors  
 ou  en  devant,  &c.  Ce  caractère  n’eft  donc  pas  plus  
 confiant  que  le premier,  &   par  conféquent,  il  ne  fuffit  
 pas  pour  établir  des  efpèces  différentes  * ;  la  grofteur & 
 *  M . Lmnæns a  fa it,  avec rai (on ,  fix variétés  &  non  pas fix   efpèces  
 dans  la brebis domefiique.  i .“ Ovis ruflica  cornuta.  2 °  Ang/ica  muncay  
 taudâ ferotoque  ad germa pendulis.  3..° Hifpanica  cornuta,  Jpirâ  extror-  
 fum  traita,  4 ."   Polycerata  è  Gothlandiâ,  5.°  Africana  pro  lanâ piles