
 
		7 §   H i s t o i r e   N a t u r e l  l e   
 „   Si  l’éléphant  eft  vindicatif,  il  n’eft  pas moins  recon-  
 »  noifiant.  Un  ioldat  de  Pondicheri,-  qui  avoit  coutume  
 »  de  porter  à  un  de  ces  animaux  une  certaine  mefure  
 »  d’arac  chaque  fois  qu il  touchoit  fon  prêt,  ayant  un  
 »  jour  bû  plus  que  de  raifon,  ôc  ie voyant  pourlliivi  par  
 »  la  garde  qui  le  vouloit  conduire  en  prifon,  fe  réfugia  
 »  fous  l’éléphant  &  s’y  endormit.  Ce  fut  en  vain  que  la  
 »  garde  tenta  de  l’arracher  de  cet  afyle  :  1  éléphant  le  
 »  défendit  avec  là trompe.  L e  lendemain  le  foldat  revenu  
 »  de  Ion yvreiïe,  frémit  à  Ion  réveil  de  le  trouver  couche  
 »>  fous  un  animal  d’une  grolfeur  fi  énorme.  L   éléphant  
 «  qui  làns  doute  s’aperçut  de  fon  effroi ,  le  carelîà  avec  
 »  là  trompe  pour  le raffurer  6c  lui  fit  entendre  qu il  pou-  
 «  voit  s’en  aller. 
 »  L ’élcphant  tombe  quelquefois  dans  une  elpece  de  
 »  folie  qui  lui  ôte  fa  docilité  &  le  rend  même  très  -re-  
 «  doutable,  on  eit  alors  obligé  de  le  tuer.  On  fe  con-  
 n  tente  quelquefois  de  1 attacher  avec  de  grolîes  chaînes  
 »  de  fer  dans  l’elpérance  qu  il  viendra  a refipifcenfe. Mais  
 »  quand  il  eft  dans  fon  état  naturel,  les  douleurs  les plus  
 »  aiguës  ne  peuvent  l’engager  à  faire  du  mal  à  qui  ne  lui  
 »  en  a  pas  fait.  Un  éléphant,  furieux  des  bleffures  qu’il  
 »  avoit  reçues  à  la  bataille  d’Hambour,  couroit  à  travers  
 «  champs  & pouffoit  des  cris  affreux ;  un  Ioldat  qui,  rnal-  
 »  gré  les  avertiffemens  de  fes  camarades,  n avoit  pû  fuir,  
 »  peut-être  parce  qu’il  étoit  bleffe,  fe  trouva  a  là  ren-  
 »  contre  :  l’éléphant  craignit  de  le  fouler  aux  pieds  ,  le  
 »  prit  avec  la  trompe,  le  plaça  doucement  de  côte ,  & 
 continua  fa  route  ».  Je   n’ai  pas  cru  devoir  rien  retrancher  
 de  ces  notes  que  je  viens  de  tranfcrire,  elles  ont  
 été  données  à  M.  le  Marquis  de Montmirail,  par M.  
 de  Buffy,  qui  a  demeuré  dix  ans  dans  l’Inde,  &  qui  
 pendant  ce  long  féjour  y  a  fervi  très - utilement  l’État  
 &  la Nation.  Il  avoit  plufieurs  éléphans  à  fon  fervice,  
 il  les  montoit  très-louvent,  les  voyoit  tous  les  jours  &  
 étoit  à  portée  d’en  voir  beaucoup  d autres  &  de  les  
 obferver.  Ainfi  ces  notes  &  toutes  les  autres  que  j ’ai  
 citées,  avec  le  nom  de  M.  de  Buffy  ,  me  paroiffent  
 mériter  une  égale  confiance.  M.  de  1  Academie  des  
 Sciences,  nous ont auffi laiffé quelques faits qu’ils avoient  
 appris  de  ceux  qui  gouvernoient  l’éléphant  à  la Ménagerie  
 de  Verfailles,  6c  ces  faits  me  paroiffent  auffi  mériter  
 de  trouver  place  ici.  «  L ’éléphant  fembloit  con-  
 noître  quand  on  fe  moquoit  de  lu i,  &  s’en  fouvenir  
 pour  s’en  venger  quand  il  en  trouvoit  l’occafion.  A   un  
 homme  qui  l’avoit  trompe,  failànt  iemblant  de  lui  jeter  
 quelque  chôfe  dans  la  gueule,  il  lui  donna  un  coup  
 de  fa  trompe,  qui  le  renverfa  & lui  rompit  deux  côtes ;  
 en fuite de  quoi,  il  le  foula  aux  pieds  &  lui  rompit  une  
 jambe,  6c  s’étant  agenouillé,  lui  voulut  enfoncer  fes  
 défenfes  dans  le  ventre ,  lefquelles  n’entrèrent  que  dans  
 la  terre  aux  deux  côtés  de  la  cuiffe,  qui  ne  fut  point  
 bleffée.  Il  écralà  un  autre  homme,  le  froiffant  contre  
 une  muraille  pour  le même  fujet.  Un  peintre  le  vouloit  
 deffiner  en  une  attitude  extraordinaire  ,  qui  étoit  de  
 tenir  là  trompe  levée  6c  la  gueule  ouverte;  le  valet  du