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 des  animaux  d’une  feule  &  même  efpèce,  qui  félon  
 les  climats,  les  nourritures  &  les  traitemens  differens,  
 ont  fubi  toutes  les  variétés  que  nous  venons  d’expofer.  
 L e   boeuf,  comme  l’animal  le  plus  utile,  eft  auffi  le  plus  
 généralement  répandu ;  car  à l’exception  de  l’Amérique  
 méridionale  * ,   on  l’a  trouvé  par-tout;  là  nature  s’eft  
 également prêtée  à  l’ardeur  ou  à  la  rigueur  des pays  du  
 midi  &  de  ceux  du  nord;  il  paroît  ancien  dans  tous  
 les  climats,  domeftique  chez  les  Nations  civilifées,  
 làuvage  dans  les  contrées  défertes  ou  chez  les  peuples  
 non  policés,  il  s’eft  maintenu  par  fes  propres  forces  
 dans  letat  de  nature,  8c  n’a  jamais  perdu  les  qualités  
 relatives  au  fervice  de  l’homme.  Les  jeunes  veaux  làu-  
 vages  que  l ’on  enlève  à  leur  mère  aux  Indes  &   en 
 *  H  paroît  que  te boe uf à  boflè  ou  bifon  fâuvage  n’a  jamais  habité  
 en Amérique, que la partie  feptentrionale jufqu a la V irgin ie,  la Floride,  
 Je  pays  des  Illinois ,  La  Louifîane,  &c ;  car  quoique  Hernandès  l ’ait  
 appelé  taureau  du  Mexique  ,  on  voit  par  un  paflage  d’Antonio  de  
 Solis ,  que  cet animal  étoit  étranger au  M e x iqu e ,  &  qu’il  étoit gardé  
 dans  la Ménagerie  de  Montezuma avec d’autres animaux  lâuvages,  qui  
 venoient de la nouvelle  Elpagne.  «  E n   une  féconde  C o u r ,  on  voyoir  
 »   dans  de  fortes  cages  de  bois  toutes  les  bêtes  lâuvages  que  la  nou-  
 »   velle  Elpagne  produit;  mais  rien  ne  furprenoit  tant  que  la  vue  du  
 »   taureau  de  M e x ique ,  très-rare;  tenant  du  chaajeau  la  boflè  fur  les  
 »   épaules ;  du  lion  Je  flanc  lêc  &   retiré,  la  queue  touffue  &   le  cou  
 »   armé  de  longs  crias  en  manière  de  ju b é ,  &   du  taureau  les  cornes  
 »   &  le  pied  fendu.. . .   Cette  efpèce d ’ampbithéatre parut aux Efpagnols  
 digne  d’un  grand  Prince  ».  Hiftfire  de  la  conquête  du  Mexique,  par  
 Antonio  de  Solis.  Paris,  17 $o ,p a g e  } ip . 
 du B uf f le ,  du B on a s u s , i f c .  3 2 7   
 Afrique  deviennent  en  très-peu  de  temps  aulïï  doux  
 que  ceux  qui  font  ilfus  des  races  domeftiques,  8c  cette  
 conformité de naturel  prouve encore l’identité  d’efpèce:  
 la  douceur  du  caraétère  dans  les  animaux,  indique  la  
 flexibilité  phyfique  de  la  forme  du corps;  car  de  toutes  
 les  efpèces  d’animaux  dont  nous  avons  trouvé  le  caractère  
 docile  ,  &  que  nous  avons  fournis  à  l’état  de  do-  
 mefticité,  il  n’y  en  a  aucune  qui  ne  préfente  plus  de  
 variétés  que l’on  n’en peut trouver dans les efpèces  qui,  
 par l’inflexibilité du  caraétère,  font demeurées  lâuvages. 
 Si  l’on  demande  laquelle  de  ces  deux  races  de  l’aurochs  
 ou  du  bifon  eft la  race  première,  la  race primitive  
 des  boeufs,  il  me  femble  qu’on  peut  répondre  d’une  
 manière  fàtisfaifante  en  tirant  de  Amples  induétions  des  
 faits  que  nous  venons  d’expofer;  la  boflè  ou  loupe  du  
 bifon,  n’eft,  comme  nous  l’avons  dit,  qu’un  caraétère  
 accidentel  qui  s'efface  &  fe  perd  dans  le  mélange  des  
 deux  races;  l’aurochs  ou  boeuf làns  boflè  eft  donc  le  
 plus  puiflànt  &  forme  la  race  dominante ;  fi  c ’étoit  le  
 contraire,  la  boflè  au  lieu  de  difparoître  s’étendroit  &  
 fubfifteroit  fur  tous  les  individus  de  ce  mélange  des  
 deux  races;  d’ailleurs  cette  boflè  du  bifon,  comme  
 celle  du  chameau,  eft  moins  un  produit  de  fa  Nature  
 qu’un  effet  du  travail,  un  ftigmate  d’efclavage.  On  a  
 de  temps  immémorial,  dans prefque  tous  les pays  de  la  
 terre,  forcé  les  boeufs  à  porter  des  fardeaux  :  la charge  
 habituelle  Sc  fouvent  exceffive  a  déformé  leur  dos,  8c  
 cette difformité s’eft enfuite propagée par les générations;