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bananiers, les palmiers, lesfagous; & comme ces arbres
font moelleux & tendres, il en mange non feulement
les feuilles & les fruits, mais même les branches, le
tronc & les racines, car quand il ne peut arracher ces
arbres avec fa trompe, il les déracine avec fes défenfes.
A l’égard du fens du toucher, il ne l’a.pour ainfi
dire que dans la trompe, mais il eft auffi délicat, auffi
diffinét dans cette efpèce de main que dans celle de
l’homme. Cette .trompe compofée de membranes,
de nerfs & de mufcles, eft en même temps un membre
capable de mouvement & un organe de fentiment ;
l ’animal peut non feulement la remuer, la fléchir,
mais il peut la raccourcir, l’alonger, la courber &
Ja tourner en tout fens ; l’extrémité de la trompe
eft terminée par un rebord a qui s’alonge par le defllis
en forme de doigt, c ’eft par le moyen de ce rebord
& de cette efpèce de doigt que l’éléphant fait tout ce
que nous faifons avec les doigts; il ramafle à terre les
plus petites pièces de monnoie ; il cueille les herbes &
les fleurs en les choififlant une à une ; il dénoue les
cordes, ouvre & ferme les portes en tournant les clefs
& pouflànt les verroux ; il apprend à tracer des caractères
réguliers avec un infiniment auffi petit qu’une
plume b. On ne peut même difconvenir que cette
3 Me'm. pour tèrvir à I’hiftoire (tes Animaux , part. I I I , pages 10 8
è f 14.0.
È Mutianus ter Conful auâor eft, aliquem ex /iis & litterarum' dvûus
Groecarmn didicijfe, folitumque proefcribere cjus linguce ver bis : Ipfi ego
D E L ’ É L É P H A N T . 5 3
main de l’éléphant n’ait plufleurs avantages fur la notre :
elle eft d’abord, comme on vient de le voir, également
flexible & tout auffi adroite pour faifir, palper en gros
& toucher en détail. Toutes ces opérations fe font par
le, moyen de l’appendice en manière de doigt litué à
la partie fupérieure du rebord qui environne l’extrémité
de la trompe, & Iaifle dans le milieu une concavité
faite en forme de tafle, au fond de laquelle fe trouvent
les deux orifices des conduits communs: de l’odorat
& de fa refpiration. L ’éléphant a donc fe nez dans la
main, & il eft le maître de joindre la puiflance de fes
poumons à l’aélion de fes doigts, & d’attirer par une
forte fuélion les liquides, ou d’enlever des corps fo-
Udes très-pefans en appliquant à leur furface le rebord
de fa trompe , & faifant un vuide au dedans par
afpiration.
La 'délicatefle du toucher, la finefîe de l’odorat, la
facilité du mouvement & la puiflance de fuélion fe
trouvent donc à l’extrémité du nez de l’éléphant. De
tous les inftrumens 'dont la Nature a fi libéralement
muni fes produétions chéries, la trompe eft peut-être
le plus complet & le plus admirable ; c ’eft non feulement
hoec ftripfi; &c. Plin. Hift. rat. Iib. V I I I , cap. I I I— Ego ver'o ip fi'
clephantum iri fhbula litteras Latinas. promufcide ntque, ordint fcribentem
yidi : virùmtamen docentis manus Jubjiciebatur ad litterarum duétum i f
figurant eum infiituens; dejeâis autem & intentis oculis erat cùm fcriberet ;
dodos & litterarum gnpros animantium oculos ejj'e dixijjês. ÆIùui. de rat.
A mm. Iib. I I , cap. 1 1 . .
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