Ainfi l’ éléphant ne tette, ne s’accouple, ne mange ni
ne boit comme les autres animaux. Le fon de là voix eft
auffi très - fingulier ; fi l’on en croit les Anciens , elle
fe divife , pour ainfi dire en deux modes très-difFérens
& fort inégaux, il paffe du fon par le nez, ainfi que
par la bouche, ce fon prend des inflexions dans cette
longue trompette » il eft rauque & filé comme celui
d’un infiniment d ’airain, tandis que la voix qui paffe
par la bouche* eft entre-coupée de paufes courtes 6c
de füûpirs durs. Ce fait avancé par Ariftote, 6c enfuite
répété par les Nattiraliftes 6c même par quelques Voyageurs,
eft vrai-femblablement faux ou du moins n’eft pas
exaét M. de Bufly ahure pofitivement que l’éléphant
ne pouflfe aucun cri par la trompe ; cependant comme
en fermant exactement la bouche, l’homme même
peut rendre quelque fon par le nez; il fe peut que
l’éléphant dont le nez eft fi grand, rende des fons par
cette voie lorfque fa bouche eft fermée : quoi qu’il en
foit, le cri de l’éléphant fe fait entendre de plus d’une
lieue, 6c cependant il n’eft pas effrayant comme le
rugiffement du tigre ou du lion.
L ’éléphant eft encore fingulier par la conformation
des pieds- 6c par la texture de la peau ; il n’eft pas revêtu
* Elephantas titra nares art ipfo mcem Mil,fpirabmiam qutmadmodum
iitm htrno fimul & Jpiritum reddit & lotpiitur, ett p n nares finale tn-
banim raacitati forint. Ariftot. Hift. Anton Iü>. I V , cap. I X . . . . Citra
nàres are ipjb Jkrmttmtimto fimiicmsdh ftmum. Per nares autan tubanmi
raucitati. P l ia Hift. nat. lib. V I I I .
de poil comme les autres quadrupèdes, fa peau eft tout-
à-fait rafe, il en fort feulement quelques foies dans les
gerçures, 6c ces foies font très-clair-femées fur le corps,
mais aflez nombreufes aux cils des paupières, au derrière
de la tête 1 dans les trous des oreilles 6c au dedans
des cuiffes 6c des jambes. L ’épiderme dur 6c calleux a
deux efpèces de rides, les unes en creux 6c les autres en
relief, il paroît déchiré par gerçures 6c reflemble aflez
bien à l’écorce d’un vieux chêne. Dans l’homme 6c dans
les animaux, l’épiderme eft par-tout adhérent à la peau ;
dans l’éléphant, il eft feulement attaché, par quelques
points comme le font deux étoffes piquees 1 une fur
l ’autre ; cet épiderme eft naturellement fec 6c fort fujet
à s’épaiflir, il acquiert fouvent trois ou quatre lignes
d’épaiffeur par le deflèchement fucceflïf des différentes
couches qui fe regénèrent les unes fous les autres; c ’eft
cet épaifliffement de l’épiderme qui produit l’éléphan-
tiafu ou lèpre sèche, à laquelle l’homnve dont la peau
eft dénuée de poil , comme celle de l’éléphant, eft
quelquefois fujet ; cette maladie eft très - ordinaire à
l’éléphant, 6c pour la prévenir tes Indiens ont foin de
le frotter fouvent d’huile 6c d’entretenir par des bains
fréquens ia foupleffe de la peau; elle eft très - fenfible
par-tout où elle n’eft pas calleufe, flans les gerçures &
dans les autres endroits où elle ne s’eft ni defféchée ni
durcie, la piqûre des mouches fe fait fi bien fentir
* Mémoires pour fervir à l’Hiftoire des Animaux. Partie I I I ,
page 1 1 3 & fuir.
Terne X 1.