la longueur de la queue ne fuffifent pas non plus pour
conflituer des efpèces, puifque cette queue e ft , pour
ainfi dire, un membre artificiel qu’on fait groffir plus ou
moins par l’affiduité des foins & l’abondance de la bonne
nourriture, & que d’ailleurs nous voyons dans nos brebis
domeftiques des races, telles que certaines brebis An-
gloifes, qui ont la queue très-longue en comparaifon des
brebis ordinaires. Cependant les Naturalises modernes
uniquement appuyés fur ces différences des cornes,
de la laine & de la groffeur de la queue, ont établi
fept ou huit efpèces différentes dans le genre des brebis;
nous les avons toutes réduites à une; du genre entier
nous ne faifons qu’une efpèce ; & cette réduction
nous paroît fi bien fondée,.que nous ne craignons pas
qu’ elle foit démentie par des obfervations ultérieures.
brevïbus hirta. 6 .” Laticauda platyura Arabica. Linn. fy jl. nat. edit. X ,
pag. y o . Toutes ces brebis ne font en effet que des variétés, auxquelles
cet Auteur aurait dû joindre l'adimain ou bélier de Guinée, & le
Jhepftcheras de Candie, dont il fait deux efpèces différentes entr’elles
& différentes de nos brebis; & de même s’il eût vu le mouflon &
qu’il eût été informé qu’il produit avec la brebis, ou qu’il eût feulement
conlulté le paflàge de Pline au fujet du mufimon, il ne l’auroit
pas mis dans le genre des chèvres, mais dans celui des brebis. M. Briflon
a non feulement placé de même le mouflon parmi les chèvres ; mais il y a
encore placé le ftrepficheros, qu’il appelle hircus laniger, & d é p lu s ,
il a fait quatre efpèces diftindes de la brebis domeftique couverte de
laine, de la brebis domeftique couverte de poil dans les pays chauds,
de la brebis à large queue & .de la brebis à longue queue ; nous ré-
duilbns, comme l’on vo it, quatre efpèces, félon M . Linnæus, &
lèpjt efpèces fuivant M . B riffon , à une feule.
Autant
b u M o u f l o n , frc. 369
Autant il nous a paru nécefîàire, en çompofànt l’hifloire
des animaux fàuvages, de les confidérer en eux-mêmes
un à un & indépendamment d’aucun genre ; autant
croyons-nous, au contraire, qu’il faut adopter, étendre
les genres dans les animaux domeftiques ; & cela parce
que dans la Nature, il n’exifte que des individus & des
fuites d’individus, c ’eft-à-dire des efpèces; que nous
n’avons pas influé fur celles des animaux indépendans,
& qu’au contraire nous avons altéré, modifié, changé
celles des animaux domeftiques : nous avons donc
fait des genres phyfiques & réels, bien différens de ces
genres métaphyfiques & arbitraires , qui n’ont jamais
exifté qu’en idée; ces genres phyfiques font réellement
compofés de toutes les efpèces que nous avons maniées,
modifiées & changées ; & comme toutes ces efpèces
différemment altérées par la main de l’homme, n’ont
cependant qu’une origine commune & unique dans la
Nature , le genre entier ne doit former qu’une efpèce. En
écrivant, par exemple, l’hifloire des tigres, nous avons
admis autant d’efpèces différentes de tigres qu’il s’en trouve
en effet dans toutes les parties de la Terre, parce que nous
fommes très-certains que l’homme n’a jamais manié, ni
changé les efpèces de ces animaux intraitables, qui fubfif-
tent toutes, telles que la Nature les a produites; il en eft de
même de tous les autres animaux libres & indépendans;
mais en faifant l’hifloire des boeufs ou des moutons , nous
avons réduit tous les boeufs à un feul boeuf, & tous les
moutons à un feul mouton, parce qu’il eft, également
Tome X I . A a a