
 
		la  femelle  *  porte  deux  ans  ;  lorfqu’elle  eft  pleine,  le  
 mâle  s’en  abftient,  &  ce  n’eft  qu’à  la  troifième  année  
 que  renaît  la  faifon  des  amours.  Ils  ne  produifent  qu’un  
 petit  k,  lequel  au  moment de  là  naillance  a  des  dentsc,  
 &   eft  déjà  plus  gros  qu’un  fanglier  ;  cependant  les  
 défenfes  ne  font  pas  encore apparentes,  elles  commencent  
 à  percer  peu  de  temps  après,  &   à  l’âge  de  lix  
 mois  H  elles  font  de  quelques  pouces  de  longueur ;  
 l ’éléphant  à  fix  mois  eft  déjà  plus  gros  qu’un  boeuf &   
 les  défenfes  continuent  de  grandir  &  de  croître  jufqu’à  
 l’âge  avancé,  pourvu  que  l’animal  fe  porte  bien  &  foit  
 en  liberté;  car  on  n’imagine  pas  à  quel  point  l’efcla-  
 vage  &  les alimens  apprêtés  détériorent  le  tempérament  
 &   changent  les  habitudes  naturelles  de  l’éléphant.  On  
 vient  à  bout  de  le dompter,  de  le  foûmettre,  de  l’inf-  
 truire,  &   comme  il  eft  plus  fort &  plus  intelligent qu’un  
 autre  il  fert  plus  à  propos,  plus  puiflàmment  &  plus  
 utilement ;  mais  apparemment  le  dégoût  de  la  fituation  
 lui  refte  au  fond  du  coeur,  car  quoiqu’ il  refîènte  de  
 temps  en  temps  les  plus  vives  atteintes  de  l’amour,  il 
 * Mas  co'itum  triennio  interpofito  repetit•  Quant  gravidam  reddidit,  
 eamdcm prceterea  tangere  numquàm patitur.  Uterum  biennio  gerit.  Arift.  
 hift.  Anim.  lib.  V ,  cap.  1 4 .  —  Elephantus  biepnio  gejlatur,  propter  
 exuperantiam magnitudinis.  Idçm,  de  générât, anrm.  lib.  IV ,  cap.  1 o. 
 b Quæ  maxima  inter  animait a funt,  ea Jingulos  pariunt,  ut  elephas,  
 tamelus,  equus.  Arift.  de  générât,  aniin.  lib.  IV ,  cap.  4 . 
 c Statim  cttm  natus  ejl  elephantus  dentes habet,  quanquam grandes  illos  
 (dentes)  non  illico  confpicuos  obtinet.  Arift.  hift.  Anina.  lib.  I I ,   cap.  5. 
 à Thomas  L o p e s ,  apud  Gefnerum,  cap,  de  Elephanto. 
 ne 
 né produit  ni  ne  s’accouple  dans  l ’état  de  domefticiter  
 Sa  paillon  contrainte  dégénère  en  fureur,  ne  pouvant  
 fe  làtisfaire  fans  témoins,  il  s’indigne,  il  s’irrite,  il  
 devient  infenfé,  violent,& l’on  a  belbin  des  chaînes  les  
 plus  fortes  &  d’entraves  de  toutes  elpèces  pour arrêter  
 fes  mouvemens  &  brifer  là  colère.  Il  diffère  donc  de  
 tous  les  animaux  domeftiques  que  l’homme  traite  ou  
 manie  comme  des  êtres  làns  volonté,  il  n’eft  pas  du  
 nombre  de  ces  efclaves  nés  que  nous  propageons,  mutilons, 
   ou  multiplions  pour  notre  utilité;  ici  l’individu  
 feul  eft efclave,  l’elpèce  demeure indépendante &  refuie  
 conftamment  d’accroître  au  profit  du  tyran.  Cela  feul  
 fuppofe  dans  l’éléphant  des  fentimens  élevés  au  delfus  
 de la nature commune  des  bêtes  :  relfentir  les ardeurs  les  
 plus vives & refufer en même temps de fe làtisfàire, entrer  
 en  fureur  d’amour &  conferver la pudeur,  font peut-être  
 le  dernier  effort  des  vertus  humaines  &  ne  font  dans  
 ce  majeftueux animal  que  des aétes  ordinaires, auxquels  
 il  n’a jamais  manqué;  l’indignation  de  ne  pouvoir  s’accoupler  
 làns  témoins,  plus  forte  que  la  paflîon  même,  
 en  fufpend,  en  détruit les  effets,  excite  en même  temps  
 la  colère  &  fait  que dans  ces  momens,  il  eft  plus  dangereux  
 que  tout autre  animal  indompté. 
 Nous  voudrions,  s’il  étoit  polfible,  douter de ce fait,  
 mais  les  Naturaliftes,  les Hiftoriens,  les  Voyageurs  *  , 
 *  C ’efl:  choie  remarquable  que  cet  animal  ne  couvre  jamais  la  
 femelle,  en  quelque  chaleur  qu’il  fo it,  tant  qu’il  verra  du monde.  
 Voyage  de Fr.  Pyrard.  Pari/,  i 61 $ , pâge  y y y . — Cette  bête  ne  le Tome XI,  C