un infiniment organique, mais un triple fens, dont
les fondions réunies & combinées , font en même
temps la caufe, & produifent les effets de cette intelligence
& de ces facultés, qui diftiriguent l’éléphant &
l ’élèvent audeffus de tous les animaux. II eft moins fujet
qu’aucun autre aux erreurs du fens de la vû e , parce
qu’il les redifie promptement par le fens du toucher,
& que fe fervant de fa trompe comme d’un long bras
pour toucher les corps au loin , il prend , comme
nous, des idées nettes de la diftance par ce moyen ;
au lieu que les autres animaux ( à l’exception du finge
& de quelques autres, qui ont des efpèces de bras
& de mains ) ne peuvent acquérir ces mêmes idées
qu’en parcourant l’efpace avec leur corps. L e toucher
eft de tous les fens celui qui eft le plus relatif à la con-
noiffance ; la délicateffe du toucher donne l’idée de la
fubftance des corps, la flexibilité dans les parties de cet
organe donne l’idée de leur forme extérieure, la puiffance
de fuction celle de leur pefanteur, l’odorat celle de
leurs qualités, & la longueur du bras celle de leur diftance
: ainfi par un feul & même membre, & pour
ainfi dire, par un a de. unique ou fimultané, l’éléphant
fent, aperçoit & juge plufieurs chofes à la fois ; or une
fenfation multiple équivaut en quelque forte à la réflexion
: donc quoique cet animal foit, ainfi que tous
les autres, privé de la puiflànce de réfléchir; comme
fes fenfations fe trouvent combinées dans l’organe
même, qu’elles font contemporaines, & pour ainfi dire
indivifes les unes avec les autres, il n’eft pas étonnant
qu’il ait de lui-même dés efpèces d’idées & qu’il acquière
en peu de temps celles qu’on veut lui tranfmettre.
La réminifeenfe doit être ici plus parfaite que dans
aucune autre efpèce d’animal ; car la mémoire tient
beaucoup aux circonftances des a êtes , & toute fen-
fàtion ifolée, quoique très-vive, ne laiffe aücune trace
diftincte ni durable; mais plufieurs fenfations combinées
Sc contemporaines font des impreflïons profondes 6c
dès empreintes étendues ; en forte que fi l’éléphant
ne peut fe rappeler une idée par le feul toucher, les
fenfations voifines & acceflbires de l ’odorat 8c de la
force de fuéîion, qui ont agi en même temps que
le toucher, lui aident à s’en rappeler le fouvenir;
dans nous-mêmes, la meilleure manière de rendre la
mémoire fidèle, eft de fe fervir fucceffivement de
tous nos fens pour confidérerun objet, 6c c’eft faute de
cet ufàge combiné des fens que l’homme oublie plus de
chofes qu’il n’en retient.
Au refte, quoique l’éléphant ait plus de mémoire Sc
plus d’intelligence qu’aucun des animaux, il a cependant
le cerveau * plus petit que la- plufpart d’entr’eux,
relativement au volume de fon corps ; ce que je ne
rapporte que comme une preuve particulière, que le
cerveau n’eft point le fiége des fenfations, le fenforiunv
commun, lequel réfide au contraire dans fes nerfs des
* Mém. pour fervir à l’hift. des Animaux, part. I I I , pages 1 3 3
& 13 6 .