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 peut  que  s’épuifer  fans  les  fàtisfaire ;  &  dans  (’accouplement  
 l’ardeur  cil  inégale,  plus  foible  dans  le  mâle  qui  
 jouit  trop  fouvent,  trop  forte  dans  la  femelle  qui  ne  
 jouit  qu’un  inftant  :  dès-lors  toutes  les  productions  
 doivent  tendre  aux  qualités  féminines;  l’ardeur  de  la  
 mère étant  au moment  de  la conception  plus  forte  que  
 celle  du  père,  il  naîtra  plus  de femelles  que  de  mâles ;  
 &  les mâles mêmes  tiendront  beaucoup  plus  de la mère  
 que  du père ;  c ’ett  fa ns  doute  par  cette  caufe  qu’il  naît  
 plus  de  filles  que  de garçons  dans  les pays  où  les hommes  
 ont  un  grand nombre  de femmes,  au  lieu  que dans  
 tous  ceux  où  il  n’eft  pas  permis  d’en  avoir  plus  d’une,  
 le  mâle  conferve  &  réalife  fa  fupériorité,  en  produifant  
 en  effet  plus  de mâles  que  de femelles;  il  eft  vrai  que  
 dans  les  animaux  donieftiques,  on  choifit ordinairement  
 parmi  les  plus  beaux  ceux  que  l’on  fouftrait  à  la  caftra-  
 tion ,  &   qu’on  deftine à  devenir les  pères  d’une  fi  nom-  
 breufe génération ;  les premières productions de ce mâle  
 choifi,  feront,  fi  l’on  veut,  fortes  &  vigoureufes :  mais  
 à  force  de  tirer des  copies  de  ce  feul  &  même  moule,  
 l’empreinte  fe  déforme  ,  'ou  du  moins  ne  rend  pas  
 fa  Nature  dans  toute  fa  perfection  ;,  la  race  doit  par  
 conféquent  s’affoiblir,-  fe-rapetifler, dégénérer;  &   c ’elt  
 peut-être  par cette raifon  qu’il fe trouve plus de monftres  
 dans  les  animaux  domeftiques  que  dans  les  animaux  
 fàuvages,  où  le  nombre  des  mâles  qui  concourent  à  
 la  génération  eft  auffi  grand  que  Celui  des  femelles:  
 d’ailleurs,  lorfqu’il  n’y  a  qu’un  mâle  pour  un,  grand 
 du B u f f l e ,  duBoNAsus , ire.  29$  
 nombre  de femelles ,  elles  n’ont pas  la  liberté  de  con-  
 fulter  leur goût;  la  gaieté,  les plaifirs  libres,  les  douces  
 émotions  leur font  enlevées ;  il  ne  refte  rien  de piquant  
 dans  leurs  amours  ,  elles  foufïfent  de  leurs  feux,  elles  
 languiffent  en  attendant  les  froides  approches  d’un mâle  
 qu’elles  n’ont  pas  choifi,  qui  fouvent  ne  leur  convient  
 pas,  &  qui  toûjours  les  flatte  moins  qu’un  autre  qui  fe  
 ferait  fait  préférer;  de  ces  triftes  amours,  de  ces  ac-  
 couplemens  fans  goût,  doivent  naître  des  productions  
 auffi  triftes,  des  êtres  infipides  qui  n’aur&nt  jamais  ni  
 le  courage,  ni  la  fierté,  ni  la  force  que  la  Nature  n’a  
 pû  propager  dans  chaque  efpèce,  qu’en  laiflànt  à  tous  
 les  individus  leurs  facultés  toutes  entières,  &   fur - tout  
 la  liberté  du  choix  &  même  Je  hafard  des  rencontres.  
 On  fait par l’exemple des  chevaux, que les races croifées  
 font  toûjours  les  plus  belles,,  on  ne  devrait  donc  pas  
 borner  dans  notre  bétail  les femelles  à  un  feul mâle  de  
 leur  pays,  qui  lui-même  reffembie déjà  beaucoup  à  fa  
 mère,  &  qui  par  oonféquent  loin  de  relever  l’efpèce,  
 ne peut  que  continuer  à  la  dégrader.  Les  hommes  ont  
 préféré  dans  cette  pratique  leur  commodité  aux  autres  
 avantages ;  nous  n’avons  pas  cherché  à  maintenir,  à   
 embellir la Nature ,  niais  à  nous  la  foû mettre &  en jouir  
 plus  defpotiquement;  les  mâles  repréfentent  la  gloire  
 de  l’efpèce ;  ils font  plus  courageux,  plus fiers, toûjours  
 moins  fournis ;  un  grand  nombre  de  mâles  dans  nos  
 troupeaux  les  rendrait  moins  dociles,  plus  difficiles  à  
 conduire,  à garder  :  il  a  fallu  même  dans  ces  efciaves