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 -gueule  que  ee  qu’on  jette  dedans  lorfqu’elle  eft  ouverte! 
   ô te.  *   II  paroît  donc  très  vrai - femblable  que  le  
 petit  éléphant  ne  tette  qu’avec  la  trompe;  cette  pré-  
 fomption  eft  non  feulement  prouvée  par  les  faits  fub-  
 féquens,  mais  elle  eft  encore  fondée  fur  une  meilleure  
 analogie  que  celle qui  a  décidé les  Anciens. Nous  avons  
 dit  qu’en  général  les  animaux  au  moment de  leur  naif-  
 fance  ne  peuvent  être  avertis  de  la  préfence  de  l’aliment  
 dont  ils  ont  befoin ,  par aucun  autre  fens  que  par  
 celui  de  l’odorat.  L ’oreille  eft  certainement  très-inutile  
 à  cet  effet ,  l’oeil  l’eft  également  &  très-évidemment,  
 puifque  la  plufpart  des  animaux  n’ont  pas  les  yeux  
 ouverts  lorfqu’ils  commencent  à  teter;  le  toucher  ne  
 peut  que  leur  indiquer  vaguement  &  également  toutes  
 les  parties  du  corps  de  la  mère,  ou  pluftôt  il  ne  leur  
 indique  rien  de  relatif  à  l’appétit;  l’odôrat  feul  doit  
 l’avertir,  c’eft  non  feulement  une  efpèce  de  goût,  
 mais  un  avant-gout  qui  précède,  accompagne  &  détermine  
 l’autre;  l’éléphant  eft donc  averti,  comme  tous  
 les  autres  animaux,  par  cet  avant-goût  de  la  préfence  
 de  l’aliment;  &  comme  le  fiége  de  l’odorat  fe  trouve  
 ici  réuni  avec  la  puifïànce  de  fuétion  à  l’extrémité  de  
 fa  trompe,  il  l’applique  à  la  mamelle,  en  pompe  le  
 lait  &   le  porte  enfuite  à  fa  bouche  pour  fàtisfaire  fon  
 appétit.  D ’ailleurs  les  deux  mamelles  étant  fituées  fur  
 la poitrine  comme  aux femmes,  &  n’ayant  que de petits 
 *  Voyez les Mémoires  pour  fervir à l’hift. des Animaux, part.  I I I ,  
 pages  1   eÿ  i f   i  s  o, 
 mamelons  très-difproportionnés  à  la  grandeur  de  la  
 gueule  du  petit,  duquel  auftï  le  cou  ne  peut  plier  ,  
 il  faudrait  que  la  mère  fe  renverfât  fur  le  dos  ou  fur  
 le  côté, pour qu’il  pût fàifir  la mamelle  avec  la  bouche,  
 &  il  aurait  encore  beaucoup  de  peine  à  en  tirer  le  lait  
 à  caufe  de  la difproportion  énorme I   qui  réfulte  de  la  
 grandeur  de  la  gueule  &  de  la  petiteffe  du  mamelon;  
 le  rebord  de  la  trompe  que  l’éléphant  contracte,  autant  
 qu’il  lui  plaît,  fe  trouve  au  contraire  proportionné  ÉÉt  
 mamelon,  &  le  petit  éléphant  peut  aifëment  par  fon  
 moyen  teter  fà  mère,  foit  debout  ou  couchée  fur  le  
 côté;  ainfi  tout  s’accorde  pour  infirmer  le  témoignage  
 des  Anciens  fur  ce  fait  qu’ils  ont  avancé  fans  l ’avoir  
 vérifié;  car  aucun  d’entr’eux,  ni  même aucun  des modernes  
 que  je  connoiffe  ,   ne  dit  avoir  vû  teter  l’éléphant, 
   &  je  crois  pouvoir  aftiirer que  fi  quelqu’un vient  
 dans  la  fuite  à  l’obferver,  on  verra  qu’il  ne  tette  point  
 avec  la  gueule,  mais  avec  le  nez.  Je   crois  de même  
 que  les  Anciens  fe  font  trompés  en  nous  difant  que les  
 éléphans  s’accouplent  à  la manière  des  autres  animaux,  
 que  la  femelle  *  abaiffe  feulement  fà  croupe  pour  recevoir  
 plus aifément  le  mâle  :  lapofition  des parties  paroît  
 rendre  impoffible  cette  fituation  d’accouplement ;  l ’é lé -  
 phante  n’a  pas,  comme  les autres  femelles,  l’orifice  de  
 la  vulve  au  bas du ventre &  voifine  de l’anus,  cet  orifice 
 *  Subfidit foemina,  climibufque fubmiffîs,  injiftit  peiibus  àc  imititur;  
 mas  fuperveniens  comprimit,  atque  ini  munert  yenereo fungitur.  Ariitot,  
 liift. Anim, lib,  V ,  cap. ut, 
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