il n’eft refié de boeufs non déformés que dans les pays
où l’on ne s’ eft pas fervi de ces animaux pour porter ;
dans toute l’Afrique, dans tout le continent oriental,
les boeufs font bolfus, parce qu’ils ont porté de tout
temps des fardeaux fur leurs épaules; en Europe où
l ’on ne les emploie qu’à tirer, ils n’ont pas fubi cette
altération & aucun ne nous préfente cette difformité :
elle a vrai - femblablementpour caufe première, le poids
& la compreffion des fardeaux, & pour caufe fécondéi
la furabondance de la nourriture ; car elle difparoît lorf-
que l’animal eft maigre & mal nourri. Des boeufs ef-
claves & bolfus fe feront échappés ou auront été aban-
donnés dans les bois, ils y auront fait une poftérité
fauvage & chargée de la même difformité, qui loin
de difparoître aura dû s’augmenter par l’abondance des
nourritures dans tous les pays non cultivés ; en forte
que cette race fecondaire aura peuplé toutes les terres
défertes du nord & du midi, & aura paffé dans le nouveau
continent, comme tous les autres animaux, dont
la nature peut fupporter le froid. Ce qui confirme &
prouve encore l’identité d’efpèce du bifon & de l’aurochs
, c ’eft que les bifons ou boeufs à boffe du nord
de l’Amérique, ont une fi forte odeur, qu’ils ont été
appelés boeufs mufqués par la plufpart des Voyageurs * ,
& qu’en
* A quinze lieues de la rivière Danoife, le trouve la rivière du
Loup-marin, toutes deux voifines de la baye d’Hudfbn, & l’on trouve
dans ce pays une elpèce de boe uf que nous nommons boeufs mufqués,,
à caufe
duBUFFLE, duBONASUS, jfC. 3 2 9
& qu’en même temps nous voyons par le témoignage
des Obfervateurs * , que l’aurochs ou boeuf fauvage de
Pruffe & de Livonie a cette même odeur de rnufc,
comme le bifon d’Amérique.
D e tous les noms que nous avons mis à la tête de
ce chapitre, lefquels pour les Naturalifles, tant anciens
que modernes , fàifoient autant d’efpèces diflinéfes &
féparées, il ne nous refte donc que le buffle & le boeuf;
ces deux animaux quoiqu’affez reffemblans, quoique
domeffiques, fouvent fous le même toit & nourris
dans les mêmes pâturages, quoiqu’à portée de fe joindre,
& même excités par leurs conduéleurs, ont toujours
refufé de s’unir; ils ne produifent, ni ne s’accouplent
à caille qu’ils tentent fi fort le mute , que dans de certaines fàilons,
il eft impoffible d'en manger ; ces animaux ont de très-beile laine,
elle eft plus longue que celle des moutons de Barbarie : j ’en avois
apporté en France en 1 7 0 8 , dont je m’è'tois fait faire des bas qui
étoient plus beaux que les bas de fo ie . . . .C e s boeufs, quoique plus
petits que les nôtres, ont cependant les cornes beaucoup plus greffes
& plus lonmics, leurs racines tè joignent fur le haut de la tête &
descendent à côté des yeux prefqu’auffi bas que la gueule, enfuite
le bout remonte en haut, qui forme'comme un croifiânt : il y en a
de fi grolfes, que j’en ai vu étant féparées du crâne, qui pefoient les
deux enfembie foixante livres; ils ont les jambes fort courtes, de
manière que cette laine traîne toujours pdr terre lorlqu ils marchent,
ce qui les rend fi difformes que fon a peine à diftinguer d’un
peu loin de quel côté eft la tête. Hifîoire de la nouvelle France, par
le P . Charlevoix, tome I I I , page 1 3 z . — Voyez autîî Je voyage
de Robert Lade , tome I I , page _? / ĥ
* Vide Epkem, German. Decad. 1 1 > ajmj 2 , ôbferv. v u .
Totne X I- T t