
 
		autres  animaux  &  n’appartient  qu’au  chameau;  il  eft  
 d’une  capacité  affez  vafte  pour  contenir  une  grande  
 quantité  de  liqueur,  elle  y  féjourne  fans  fe  corrompre  
 &   lâns  que  les  autres  alimens  puilfent  s’y   mêler;  6c  
 lorfque  l’animal  eft  preffé par la foif 6c  qu’il  a befoin  de  
 délayer  les nourritures  sèches  6c  de  les  macérer  par  la  
 rumination,  il  fait  remonter  dans  fa  panfe  6c  jufqu a  
 l ’oefophage une  partie  de  cette  eau par  une  fimple  con-  
 traélion  des  mufcles.  C ’eft donc  en  vertu  de  cette conformation  
 très- lingulière  que  le  chameau  peut  le  palier  
 ' plufieurs  jours  de  boire,  6c  qu’il  prend  en  une  feule  
 fois  une  prodigieufe  quantité  d’eau  qui  demeure  faine  
 6c  limpide  dans  ce  relervoir,  parce  que  les  liqueurs du  
 corps  ni  les  lues de  la  digeftion  ne peuvent  s’y  mêler. 
 Si  l’on  réfléchit  fur  les difformités,  ou pluftôt  fur  les  
 non  conformités de  cet  animal  avec  les  autres  ,  on  ne  
 pourra douter  que  là  nature  nait  été  confidérablement  
 altérée par  la contrainte  de  l ’efclavage Sc par la continuité  
 des  travaux.  L e   chameau  eft  plus  anciennement,  plus  
 complètement  &  plus  laborieufement  elclave  qu’aucun  
 des  autres  animaux  domeftiqùes;  il  l’eft  plus  anciennement, 
   parce  qu’il  habite  les  climats  où  les  hommes  fe  
 font  le  plus  anciennement  policés ;  il  l’eft plus  complètement, 
   parce  que  dans  les  autres elpèces d’animaux  
 domeftiqùes ,  telles  que  celles  du  cheval,  du  chien,  du  
 boeuf,  de  la brebis,  du  cochon ,  6tc.  on  trouve  encore  
 des individus dans leur état de nature, des animaux" de  ces  
 mêmes  efpèces  qui  font  làuyages,  6c  que  l’homme  ne 
 s’eft  pas  foûmis :  au  lieu  que  dans  le  chameau  l’efpèce  
 entière  eft  efclave ;  on  ne  le  trouve  nulle  part  dans  
 là  condition  primitive  d’indépendance  6c  de  liberté ;  
 enfin  il  eft  plus  laborieufement  efclave  qu’aucun  autre,  
 parce qu’on  ne  l’a jamais nourri, ni  pour  le fafte, comme  
 la plufpart  des  chevaux,  ni  pour  l’amufement,  comme  
 prefque  tous  les  chiens,  ni  pour  l’ulàge  de  la  table,  
 comme  le boeuf,  le  cochon  ,  le mouton. ;  que  l’on  n’en  
 a  jamais  fait  qu’une  bête  de  fomme  qu’on  ne  s’eft pas  
 même  donné  la  peine  d’atteler  ni  de  faire  tirer,  mais  
 dont  on  a  regardé  le corps  comme  une  voiture  vivante  
 qu’on pouvoit tenir chargée 6c lùrchargée, même pendant  
 le  fommeil ;  car  lorfqu’on  eft  prelfé  on  fe  difpenfe  
 quelquefois  de  leur  ôter  le  poids  qui  les  accable,  6c  
 fous  lequel  ils  s’affaiffent pour dormir  les jambes  pliées 3  
 6c  le  corps  appuyé fur  l’eftomac ;  aulfi  portent-ils  tous  
 les  empreintes  de  la  fervitude  6c  les  ftigmates  de  la  
 douleur  :  au  bas  de  la  poitrine  fur  le  fternum,  il  y  a  
 une  greffe  6c  large  callofité  aulfi  dure  que  de  la  corne;  
 il  y  en  a  de  pareilles  à  toutes  les  jointures  des  jambes ;  
 6c  quorque  ces  callofités  fe  trouvent  fur  tous les  chameaux, 
   elles  offrent  elles-mêmes  la preuve  quelles  ne  
 font pas  naturelles,  6c  qu’elles  font  produites  par l’excès  
 de  la  contrainte  6c  de  la  douleur,  car fouvent  elles  font  
 remplies  de  pus  b;  la  poitrine  6c  les  jambes  font  donc 
 ’ L a   nuit,  lés chameaux dorment  ainfî  agenouilles,  remâchant  ce  
 qu’ ils  ont mangé  ie  jour.  Voyage  du  P.  Philippe, page  369. 
 ‘’Ayant  fait  ouverture  des  callofités  des  jambes pour  obferver  leur 
 F  f  iij