
 
		abondante & choifie;  ces animaux; élevés ainfi,  paroifTent 
 être  d ’une  autre  nature  que  nos  boeufs,  qui  ne  nous 
 connoiflent  que  par  nos  mauvais  traitemens  ;  l’aiguillon, 
 le  bâton,  la  difette  les  rendent  flupides,  récalcitrans  & 
 foibles;  en  tout,  comme  l’on  voit,  nous  ne  lavons  pas 
 alfez  que  pour  nos  propres  intérêts,  il  faudrait  mieux 
 traiter  ce  qui  dépend  de  nous.  Les  hommes  de  l’état 
 inférieur,  &  les  peuples  les  moins  policés,  femblent 
 jfèntir  mieux  que  les  autres  les  loix  dè  l’égalité  &  les 
 nuances  de  l’inégalité  naturelle ;  le  valet  d’un  fermier 
 efl,  pour ainfi  dire,  de pair avec  fon  maître;  les chevaux 
 des  Arabes ,  les boeufs  des  Hottentots  # font  des  domef-  
 tiques  chéris,  des  compagnons  d’exercice,  des  aides  
 de  travail,  avec  lefquels  on  partage  l’habitation ,  le  lit,  
 la  table;  l’homme  par  cette  communauté  s’avilit moins  
 que  la  bête  ne  s’élève & s’humanife :  elle  devient  affectionnée  
 ,  fenfible,  intelligente;  elle  fait  là  par  amour  
 tout  ce  qu’elle  ne  fait  ici  qtie  par  la  crainte  :  elle  fait  
 beaucoup  plus ;  car  comme  fa.  nature  s’efl  élevée par  la  
 douceur de l’éducation &  par  la cqntinuifé des attentions,  
 elle  devient  capable  de  çhofes  prefque  humaines;  les  
 Hottentots  *  élèvent  des  boeufs  pour  la  guerre,  &  s’en 
 fervent 
 fur  une  machine  faite  de  deux  hâtons  en  croix  :  en  même  temps  
 on  prend  deux  petits  fers  minces &  légers  qu'on  applique  à  chaque  
 pied ,  chaque fer-n’en couvre  que  la moitié, & on  l’y  attache  avec  trois  
 dou x ,lon g s   de  plus  cFun  p o u c e ,  que  l’on  rive  à  côté  fur  la  corne,  
 ainfi  qu'à  nos  chevaux.  Relation  de Thevenot,  tome I I I , page  r y a. 
 *  Les  Hottentots  ont  des  boeufs  dont  ils  fe  fervent  avec  fuccès 
 dans 
 fervent  à peu  près  comme  les  Indiens  des  éléphans ;  ils  
 inflruifent  ces  boeufs  à  garder  les  troupeaux  * ,   à  les 
 dans  les  combats;  ils  les  appellent  Backeleys,  du  mot  Backeley,  qui  
 en  leur  langue  fignifie  la  Guerre.  Chaque  armée  eft  toujours  fournie  
 d’ un  bon  troupeau  de  ces boeufs,  qui  fe  lailfent gouverner  fans peine,  
 &   que  le  chef  a  foin  de  lâcher,  à  propos.  Dès  qu’ils  font  abandonnés  
 ils  fe  jettent  avec  impétuofité  fur  l’armée  ennemie  ,  ils  frappent  
 des  cornes,  ils  ruent,  ils  renverfërit,  éventrent  &   foulent  aux  pieds  
 avec  une  férocité  affreufo  tout  ce  qui  le  préfênte;  de  forte  que  fi  on  
 n’efl  pas prompt  à les  détourner,  ils  fo précipitent  avec  furie  dans  les  
 rangs,  y  mettent  le  defordre ,  la confufion,  &  préparent  ainfi  à  leurs  
 maîtres  une  viétoire  facile ;  la  manière  dont  ces  animaux  font  drefîes,  
 &   difciplinés,  fait  lins  contredit  beaucoup  d’honneur  au  génie  &   à  
 l’habileté  de  ces  peuples.  Defcription  du  cap  de  Bonne-efpérance,  par  
 Kolbe,  tome  I ,  page  1 6 0 . 
 *  Ces  backeleys  leur  font  encore  d’un  grand  ulige,  pour  garder  
 leurs  troupeaux :  lorfqu’ils  font  au  pâturage, au  moindre  figue  de  leur  
 conducteur,  ils  vont  ramener  les beftiaux  qui  s’écartent  &   les  tiennent  
 rafïèmblés ;  ils  courent  auffi  lur  les  étrangers  avec  furie,  ce  qui  fait  
 qu’ils  font  d’un  grand  fecours  contre  les  bufchies  ou  voleurs,  qui  en  
 veulent  aux  troupeaux ;  chaque Kraal  a  au  moins  mie  demi-douzaine  
 de  ces  backeleys,  qui  font  choifis. entre  les boeufs  les  plus  fiers ;  lorfi-  
 qu’il  y   en  a  un  qui meurt  ou  qui  ne  peut  plus  fèrvir,  à  caufè  de  fon  
 grand  âge,  le  propriétaire  le  tue,  &   on  choifit  parmi  le  troupeau  
 un  boeuf  pour  lui  fuccéder ;  on  s’en  rapporte  au  choix  d’un  des  
 vieillards  du  Kraal,  qu’on  croit  plus  capable  de  difcerner  celui  qui  
 pourra  plus  facilement  être  inftruit;  on  affocie  ce  boeuf novice  avec  
 un  vieux  routier,  &   on   lui  apprend  à  fuivre  ce  compagnon,  foit  par  
 les  coups,  foit  par  d’autres  moyens ;  pendant  la nuit  011  les  lie  en-  
 fèmble  par  les  cornes,  &   on  les  tient  même  ainfi  attachés  pendant  
 une  partie  du  jour  jufqu’à  ce  que  le  jeune  boeuf  foit  parfaitement  
 inftruit,  c’e ft-à -d ire ,  jufqu’à  ce  qu’il  foit  devenu  un  garde-troupeau 
 Tome  X I.  S f