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 conduire,  à  les  tourner,  les  ramener,  les  défendre des  
 étrangers  &  des  bêtes  féroces;  ils  leur  apprennent  à  
 connoître  l ’ami  &  l’ennemi,  à  entendre  les  lignes,  à  
 obéir  à  la  vo ix , &c. Les  hommes les  plus  ftupides font,  
 comme  l’on  voit,  les meilleurs  précepteurs  de  bêtes;  
 pourquoi  l’homme  le  plus  éclairé,  loin  de  conduire  les  
 autres  hommes,  a - t - i l   tant  de  peine  à  fe  conduire  
 lui-même  î 
 Toutes  les  parties  méridionales  de  l’Afrique  &  de  
 l’Afie  font  donc  peuplées  de  boeüfs  à boffe ou  bifons ,  
 parmi  lefquels  il  fe  trouve  de  grandes  variétés pour  la  
 grandeur,  la  couleur,  la  figure  des  cornes,  &c ;  au  
 contraire  toutes  les  contrées  feptentrionales de ces deux  
 parties  du  monde & l’Europe  entière,  en  y  comprenant  
 même  les Mes  adjacentes,  jufqu’aux  Açores,  ne  font 
 vigilant ;  ces  gardes-troupeaux  connoiflènt  tous  les  habitans  du  Kraal,  
 hommes,  femmes &   enfans,  & témoignent pour  toutes ces perfbnnes  le  
 même  relpeét  qu’un  chien  a  pour  tous  ceux  qui  demeurent  dans  la.  
 maifon  de  fon  maître.  Il  n’y  a  donc  point  d'habitant  qui  ne  puilîè  
 en  toute  fureté  approcher  des  troupeaux  :  jamais  les  backeleys n e   leur  
 font  le moindre mal ; mais  fi un étranger,  &  en particulier  un Européen,  
 s’avilbit  de  prendre  La  même  liberté, fans  être  accompagné  de  quelque  
 Hottentot,  il  rifqueroit  beaucoup ;  ces  gardes-troupeaux  qui  paillent  
 pour  l ’ordinaire  à l’entour  viendraient  bien-tôt  fur  lui  au  galop  :  alors  
 fi  l ’étranger  n’efl  pas  à  portée  d’être  entendu  des  bergers,  ou  qu’il  
 n’ait pas d'armes  à  fe u ,  ou  de  bonnes  jambes,  ou  un. arbre  fur  lequel  
 il  puifîê  grimper ,  il  eft  mort fuis  reflburce :  en  vain,  il  aurait recours  
 aux  bâtons  ou  aux  pierres,  un  backeley  ne  s’épouvante  pas  pour  de  
 fi  foibles  armes.  Defcription  du  cap  de  Borne -  efpérance,  par  Kolbe,  
 partie  I ,   chap.  X X , page 307 . 
 du  B u f f l e , du  B o n  a s u s  ,  frc.  323  
 peuplées  que  de  boeufs  fans  boffe  * ,  qui  tirent  leur  
 origine  de  l’aurochs;  &  de  la  même  manière  que  
 l’aurochs,  qui  eft  notre boeuf dans  fon  état  fàuvage,  eft  
 plus  grand  &  plus  fort  que  nos  boeufs  domeftiques,  le  
 bifon  ou  boeuf  à  boffe  fauvage,  eft  auffx  plus  fort  &  
 beaucoup plus  grand  que  le  boeuf domeftique des Indes;  
 il  eft  auffi  quelquefois  plus  petit,  cela  dépend  uniquement  
 de  l’abondance  de  la nourriture:  au  Malabar1’ ,  au  
 Canara,  en  Abyffinie,  à  Madagafcar  où  les  prairies  
 naturelles  font  fpacieufès  &  abondantes,  on  ne  trouve  
 que  des bifons d’une  grandeur  prodigieufe;  en  Afrique  
 &   dans  l’Arabie  pétrée  c ,  où  les  terreins  font  fècs  , 
 ’  Les  boeufs  de  Tercère  font  les  plus  grands  &   les  plus  beaux  de  
 toute  l’Europe  ,  ils  ont  des  cornes  prodigieufement  grandes ;  ils  font  
 fi  doux &  fi privés,  que  quand, entre mille qui  feraient  enfemble,  un  
 maître  viendrait  appeler  le  fien  par  fon  n om ,  ( car  ils  ont  chacun  
 leur  nom  particulier,  ainfï  que  nos  chiens )  le  boe u f ne  manquerait  
 pas d’aller  à  lui.  Voyage  de la Compagnie des Indes de Hollande,  tome I ,  
 page 490. — V oy e z   auffi le voyage de Mandelflo , tome  I ,  page 3 7 8 . 
 b  Dans  les montagnes  de  Malabar  &   de  Canara,  il  le  trouve  des  
 boeufs  fauvages  fi grands  qu’ils  approchent  de  la  taille  de  l’éléphant,  
 tandis  que  les  boeufs  domeftiques  du  même  pays  font  petits, maigres  
 &   ne vivent pas  long-temps.  Voyage  du P . Vincent-Marie,  chap.  XII ,   
 Traduétion de M .  le  Marquis  de  Montmirail. 
 *,  J ’ai  vu  à Mnfcati,  ville  de  l’Arabie  pétrée,  une  autre  efpèce  de  
 boeuf de montagne  ,  d’un  poil  luftré  &  blanc  comme  celui  de 1 hermine  
 ,  fi  bien  fait de  corps qu’il  reffembloit pluftôt  à  un  ce rf qu’a  un  
 boe u f,  feulement  fes  jambes  étoient  plus  courtes,  cependant  fines  &   
 agiles  pour  la  courfe ;  le  cou  plus  court, la  tête  &   la  queue  comme  
 celles  du boeuf,  mais  mieux  formées  avec  deux cornes  noires,  dures,