322 H I ST O I R E N A T U R E L L E
conduire, à les tourner, les ramener, les défendre des
étrangers & des bêtes féroces; ils leur apprennent à
connoître l ’ami & l’ennemi, à entendre les lignes, à
obéir à la vo ix , &c. Les hommes les plus ftupides font,
comme l’on voit, les meilleurs précepteurs de bêtes;
pourquoi l’homme le plus éclairé, loin de conduire les
autres hommes, a - t - i l tant de peine à fe conduire
lui-même î
Toutes les parties méridionales de l’Afrique & de
l’Afie font donc peuplées de boeüfs à boffe ou bifons ,
parmi lefquels il fe trouve de grandes variétés pour la
grandeur, la couleur, la figure des cornes, &c ; au
contraire toutes les contrées feptentrionales de ces deux
parties du monde & l’Europe entière, en y comprenant
même les Mes adjacentes, jufqu’aux Açores, ne font
vigilant ; ces gardes-troupeaux connoiflènt tous les habitans du Kraal,
hommes, femmes & enfans, & témoignent pour toutes ces perfbnnes le
même relpeét qu’un chien a pour tous ceux qui demeurent dans la.
maifon de fon maître. Il n’y a donc point d'habitant qui ne puilîè
en toute fureté approcher des troupeaux : jamais les backeleys n e leur
font le moindre mal ; mais fi un étranger, & en particulier un Européen,
s’avilbit de prendre La même liberté, fans être accompagné de quelque
Hottentot, il rifqueroit beaucoup ; ces gardes-troupeaux qui paillent
pour l ’ordinaire à l’entour viendraient bien-tôt fur lui au galop : alors
fi l ’étranger n’efl pas à portée d’être entendu des bergers, ou qu’il
n’ait pas d'armes à fe u , ou de bonnes jambes, ou un. arbre fur lequel
il puifîê grimper , il eft mort fuis reflburce : en vain, il aurait recours
aux bâtons ou aux pierres, un backeley ne s’épouvante pas pour de
fi foibles armes. Defcription du cap de Borne - efpérance, par Kolbe,
partie I , chap. X X , page 307 .
du B u f f l e , du B o n a s u s , frc. 323
peuplées que de boeufs fans boffe * , qui tirent leur
origine de l’aurochs; & de la même manière que
l’aurochs, qui eft notre boeuf dans fon état fàuvage, eft
plus grand & plus fort que nos boeufs domeftiques, le
bifon ou boeuf à boffe fauvage, eft auffx plus fort &
beaucoup plus grand que le boeuf domeftique des Indes;
il eft auffi quelquefois plus petit, cela dépend uniquement
de l’abondance de la nourriture: au Malabar1’ , au
Canara, en Abyffinie, à Madagafcar où les prairies
naturelles font fpacieufès & abondantes, on ne trouve
que des bifons d’une grandeur prodigieufe; en Afrique
& dans l’Arabie pétrée c , où les terreins font fècs ,
’ Les boeufs de Tercère font les plus grands & les plus beaux de
toute l’Europe , ils ont des cornes prodigieufement grandes ; ils font
fi doux & fi privés, que quand, entre mille qui feraient enfemble, un
maître viendrait appeler le fien par fon n om , ( car ils ont chacun
leur nom particulier, ainfï que nos chiens ) le boe u f ne manquerait
pas d’aller à lui. Voyage de la Compagnie des Indes de Hollande, tome I ,
page 490. — V oy e z auffi le voyage de Mandelflo , tome I , page 3 7 8 .
b Dans les montagnes de Malabar & de Canara, il le trouve des
boeufs fauvages fi grands qu’ils approchent de la taille de l’éléphant,
tandis que les boeufs domeftiques du même pays font petits, maigres
& ne vivent pas long-temps. Voyage du P . Vincent-Marie, chap. XII ,
Traduétion de M . le Marquis de Montmirail.
*, J ’ai vu à Mnfcati, ville de l’Arabie pétrée, une autre efpèce de
boeuf de montagne , d’un poil luftré & blanc comme celui de 1 hermine
, fi bien fait de corps qu’il reffembloit pluftôt à un ce rf qu’a un
boe u f, feulement fes jambes étoient plus courtes, cependant fines &
agiles pour la courfe ; le cou plus court, la tête & la queue comme
celles du boeuf, mais mieux formées avec deux cornes noires, dures,