
 
		nourriture  préparée  par  la  main  de  l’homme,  fbuvent  
 épargnée  &  mal  choifie,  jointe  à  la  dureté  d’un  ciel  
 étranger,  produifent  avec  le  temps  des altérations  affez  
 profondes  pour  devenir  confiantes,  en  fe  perpétuant  
 par  les  générations.  J e   ne  prétends  pas  dire  que  cette  
 caufe  générale  d’altération  foit  affez  puiffante  pour  dénaturer  
 effentiellement  des  êtres,  dont  l’empreinte  efl  
 aufli  ferme  que  celle  du  moule  des  animaux;  mais  elle  
 les  change  à  certains  égards,  elle  les  mafque  &  les  
 transforme  à  l’extérieur;  elle  fupprime  de  certaines  
 parties,  ou  leur  en  donne  de  nouvelles ;  elle  les  peint  
 de  couleurs  variées ;  &  par  fon  aétion  fur  l’habitude  
 du  corps,  elle  influe  aufli  fur  le  naturel,  fur  l’inflinél  
 &   fur  les  qualités  les  plus  intérieures :  une  feule  partie  
 modifiée  dans  un  tout  aufïï  parfait  que  le  corps  d’un  
 animal,  fuffit  pour  que  tout  fe  reffénte,  en  effet,  de  
 cette  altération ;  &  c’efl par  cette  raifon  que  nos  animaux  
 domefliques  different prefqu’autant  par  le  naturel  
 &  l’inflinét  que  par  la figure,  de  ceux  dont  ils  tirent  
 leur  première  origine. 
 L a  brebis  nous  en  fournit  un  exemple  frappant,  cette  
 efpèce,  telle  qu’elle  efl  aujourd’hui,  périroit  en  entier  
 fous  nos  yeux,  &   en  fort  peu  de  temps,  fi  l’homme  
 ceffoit  de  la  foigner,  de  la  défendre  :  aufli  efl-elle  
 très-différente  d’elle-même,  très-inférieure  à  fbn  efpèce  
 originaire ;  mais  pour  ne  parler  ici  que  de  ce  qui  fait  
 notre  objet,  nous  verrons  combien  de variétés les boeufs  
 ont effuyées par les effets divers &  diverfement  combinés 
 du BU  F F LE,  duBoN ASUS,  iFc.  29I   
 du  climat,  de  la  nourriture  &  du  traitement  dans  leur  
 état  d’indépendance  &   dans  celui  de  domeflicité. 
 La  variété  la plus  générale  &  la plus  remarquable  dans  
 les boeufs domefliques, & même fauvages,  confifle  dans  
 cette  efpèce  de  boffe  qu ils  portent  entre  les  deux  
 épaules;  on  a  appelé  bifons  cette  race  de  boeufs  boffus,  
 &   l’on  a  cru  jufqu’ici  que  les  bifons  étoient  d’une  
 efpèce  différente  de  celle  des  boeufs  communs  :  mais  
 comme  nous  fournies  maintenant  afïures  que  ces boeufs  
 à  boffe  produifent  avec  nos  boeufs,  &   que  la  boffe  
 diminue  dès  la  première  génération  &  difparoît  à  la  
 fécondé  ou  à  la  tioifième;  il efl  évident  que  cette  boffe  
 n’efl  qu’un  caractère  accidentel  &   variable  qui  n’empêche  
 pas  que  le boeuf boffu  ne foit de  la même  efpèce  
 que  notre  boeuf.  O r,  on  a  trouvé  autrefois  dans  les  
 parties  defertes  Je   l’Europe  des  boeufs  fauvages,  les  
 uns  fans boffe  &  les  autres  avec  une  boffe ;  ainfi  cette  
 variété  femble  être  dans- la Nature  même ,  elle  paroît  
 provenir  de  l’abondance  &  de  la  qualité  plus  fubftan-  
 tielle  du  pâturage  &  des  autres  nourritures ;  car  nous  
 avons  Remarqué  fur  les  chameaux,  que  quand  ces  animaux  
 font  maigres  8c  mal nourris,  ils  n  ont  pas  meme  
 l’apparence  de  la boffe.  Le boeuf fans  boffe  fe nommoit  
 vrochs 8c  turochs  dans la  langue  des Germains,  & le  boeuf  
 fàuvage à boffe fe nommoit vifen dan.,  cette meme langue.  
 Les Romains  qui  ne  connoifloient  ni  1 un  ni-1 autre  de  
 ces  boeufs  fauvages  avant  de  les  avoir vus  en Germanie, 
 ont  adopté  ces  noms :  de  vrochs,  ils  ont  fait  vrus  8c  de 
 O o  ij