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 }a  première  à  l’enceinte  où  le mâle  la  fuivant  à  la  pifte  
 entre  par  la même porte;  dès qu’il  fe voit enfermé,  fon  
 ardeur  s’évanouit ;  &  lorfqu’il  aperçoit  les  chafieurs,  
 elle  fe  change  en  fureur:  on  lui  jette  des  cordes  à  
 noeuds - coulans  pour  l’arrêter,  on  lui  met  des  entraves  
 aux  jambes  &  à  la  trompe,  on  amène  deux  ou  trois  
 éléphans  privés  &  conduits  par  des  hommes  adroits ;  
 on  elfaie  de  les  attacher  avec  l’éléphant  fàtivage ;  enfin  
 l'on  vient  à bout par adrelfe,  par  force,par  tourment Sc  
 par carelfe de  le dompter en  peu de jours. Je  n’entrerai pas  
 à  cet  égard  dans un  plus grand  détail, &  je  me contenterai  
 de  citer  les  voyageurs  qui  ont été  témoins oculaires  
 de  la  chalfe  des  éléphans  * ;  elle  ell  différente,  fuivant 
 *   À   un  quart  de  lieue  de  L ouvo ,  il y   a  un  etpèce  d'amphithéâtre  
 dont  la figure  eft  d’un  grand  quarré  lo n g , entouré de hautes murailles  
 terraflees,  fur  iefquelies  fe  placent  les  fpectateurs.  L e   long,  de  ces  
 murailles,  en  dedans,  règne  une  paliflàde  de  gros  piliers  fiches- en  
 terre  à  deux  pieds  L’un,  de  l ’autre ,  derrière  lefqueis  les  chafieurs  le  
 retirent lorfqu’ik  font pourluivis par  les- éléphans  irrités.  On  a pratiqué  
 une  fort  grande  ouverture  vers  [a  campagne  ,  &  v i s - à - v i s ,   du  
 côté  de  la  v ille ,  on  en  a  fait une  plus  petite,  qui  conduit  dans  une  
 allée  étroite  par  où  un  éléphant  peut  paflèr  à  peine,  &  cette  allée  
 aboutit à une manière de  grande remife  où  l’on  achève de  le dompter- 
 Lorfque le  jour defliné  à  cette  ehafiè  eft  Vettu, les chafieurs  entrent  
 dans  les  bois,  montés  lùr  des  éléphans  femelles-qu’on n  drefiees  à  cet  
 ex e rcice,  &  fe  couvrent  de  feuilles d'arbres,  afin  de  n’être  pas  vûs  
 par  les  éléphans  làuyages-  Quand  ils  ont  avancé  dans  la  forêt,  <$£  
 qu’ils  jugent  qu’il  peut  y  avoir  quelqu'éléphant  aux  environs,  ili  
 font  jeter  aux  femelles  certains  cris  propres  à  attirer  les  mâles- „   
 qui  y  répondent  auffi- tôt  par  des  hcurlemens  effioyabLes.  Alors  les 
 d e   l ’ É l é p h a n t .  2 1   
 les  différens  pays,  &  fuivant  la  puiffance &   les  facultés 
 chafieurs  les  fentant  à  une  julte  diftance,  retournent  fur  leurs  pas,  
 &   mènent  doucement  les  femelles  du  côté  de  l’amphithéatre  dont  
 nous  venons  de  parler ;  les  éléphans  lîmvages  ne  manquent  jamais  de  
 les  fuivre;  celui  que  nous  vimes  dompter  y  entra  avec  elles,  &   dès  
 q u ’il y fut, on ferma  la barrière;  les  femelles  continuèrent  leur  chemin  
 au  travers  de  l ’amphithéatre,  &   enfilèrent  queue  à  queue  la  petite  
 allée  qui  étoit  à  l ’autre  bout;  l'éléphant  fauvage  qui  les  avoit  lutvies  
 jufque-là,  s’étant  arrêté  à  l'entrée  du  défilé,  on  fe  fervit  de  toutes  
 fortes de moyens  pour  l’y  engager,  on  fit crier  les femelles qui étoient  
 au-delà  de  l’allée,  quelques  Siamois  l ’irritant  en  fiappant  des  mains  
 &   criant  piufieurs  fois p a t,  pat,  d’autres  avec  de  longues  perches  
 armées  de  pointes  le  barceloient,  &   quand  ils  en  étoient  pourluivis,  
 ils  fe  gliiïoient  entre  les  piliers &  s’alioient  cacher derrière  la  palifïïide  
 que  l ’éléphant  ne  pouvoit  franchir ;  enfin  après  avoir  pourfuivi  plusieurs  
 chafieurs, il s’attacha à un feul avec une  extrême  fureur;  l ’homme  
 fe  jeta  dans  l ’allée,  l ’éléphant  courut  après  lui,  mais  dès  qu’il  y  fut  
 entré  il  fe  trouva  pris,  car  c e lu i-c i  s’étant  làuvé,  on  laifla  tomber  
 deux  coùliflës  à  propos,  l’une  devant &  l'autre  derrière,  de  forte  que  
 ne  pouvant  ni  avancer,  ni  reculer,  ni  fe  tourner,  il  fit  des  efforts  
 étonnons  &  pouffa  des  cris  terribles.  On  tâcha  de  l’adoucit  en  lut  
 jetant  des.lèaux  d’eau  fur  le  corps,  en  le  frottant  avec  des  feuilles-,  
 en  lui  verfant  de  l’huile  fur  les  oreilles,  &   on  fit  venir  auprès  de  lui  
 des  éléphans  privés  mâles  &   femelles,  qui  le  çareffoient  avec  leurs  
 trompes.  Cependant  on  lui  attachoit  des cordes  par-defious  le  ventre  
 &   aux  pieds  de  derrière,  afin  de  le  tirer  de -là ,  &   on  continuoit  à  
 lui  jeter  de  l’eau  lùr  la  trompe  &   lui-  le  corps  pour  le  rafraîchir.  
 Enfin  on  fit  approcher  un  éléphant  p r iv é ,  de  ceux  qui  ont  coutume  
 d'inftruire  les  nouveaux  vertus:  un  Officier  étoit  monté  deffus,  qui  
 ie  fàilbit  avancer  &  r e c u le r p o u r   montrer  à  1 éléphant  lâuvage  qu’il  
 H’avoit  rien  à  craindre  &  qu’il  pouvoit  fo-rtir ;  en  effet,  on  lui  ouvrit  
 la  porte  &   il  fuivit  l ’autre  jufqu’au  bout  de  l’allée  :  dès  qu’il  y   fut,,  
 on mit  à  lès  côtés  deux  éléphans que  l’on  attacha  avec  lu t,  un  autre 
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