obtint par là qu’ils renonçassent aux autres. Il disait à
la tribune de la Chambre : « nous avons pu ainsi installer
dans ce pays quelques colons français qui y donneront,
j'en suis convaincu, l’exemple du progrès agricole (applaudissements
à gauche et sur divers bancs à Vextrême
gauche').
Un décret beylical du 31 janvier 1898 autorise la location
à long terme des habous publics et privés ; un autre
décret, du 12 avril 1913, organise la mise en valéur, au
moyen de la vente à enzel, des propriétés rurales constituées
en habous.
Au moyen des habous d’une’ part, des terres achetées
aux indigènes ou aux premiers colons d’autre part, l’administration
du protectorat a pu créer, depuis une vingtaine
d’années, un nombre important de centres de colonisation
qui, en général, ont prospéré. M. Saurin a publié, en 1909,
le résultat de ses observations personnelles dans tous les
centres de colonisation déjà créés à cette époque. « Deux
grandes vérités, dit-il, ressortent de cette étude surjla'colo-
nisation officielle : la réussite complète des paysans disposant
de quelques ressources et doués de qualités personnelles
moyennes ; l’extrême mobilité des bourgeois ou
citadins qui se fixent plus difficilement au sol. On m’a
rarement signalé des paysans ayant échoué. A la Morna-
ghia, au Goubellat, à La Merdja (trois centres au sujet desquels
il donne des détails], pas un seul paysan n’a vendu
son lot. Les lots acquis par des bourgeois ou des citadins
présentent au contraire des changements continuels. Tel
lot a déjà passé entre les mains de cinq propriétaires dans
une période de huit ans. A Bordj-Touta, il n’existe plus un
seul des acquéreurs primitifs, qui étaient tous des citadins.
A El-Arich, au cap Bon, les lots acquis par les jeunes élèves
de l’Ecole coloniale ont, en grande partie passé entre les
mains de nouveaux propriétaires. La proportion de ceux
qui vendent leur lot est considérable, on peut l’évalue(r à 60
ou 70 p. 100, tandis qu’elle n’atteint pas 3 p. 100 pour les
paysans. » Mais il ajoute que « les citadins qui réussissent
fournissent au centre un élément précieux ; ce sont eux qui
donnent l’exemple de toutes les améliorations culturales
(labours préparatoires, emploi des superphosphates, culture
des légumineuses fourragères, etc.). Us dirigent les
associations locales, les syndicats et les caisses de crédit ».
Ceci dit, voyons quels efforts ont été faits par l’administration
tunisienne pour créer des centres de colonisation.
D’après la Statistique générale de la Tunisie pour 1912 :
« De 1892 à 1912, le Domaine a créé 102 centres ou lotissements.
Pendant la même période, l’Etat tunisien a consenti
à nos compatriotes la vente de 1.340 lots ruraux de colonisation
». De 1892 à 1912, il fut vendu aux colons 137.482 hectares
de terres, représentant au prix de vente une valeur
de 17.469.380 francs. Au 31 décembre 1912, le nombre
des propriétés rurales possédées par des Français s’élevait
à 2.919, représentant une surface de 774.207 hectares. A
la même époque, le nombre des propriétés appartenant à
des étrangers s’élevait à 1.814 représentant une surface
globale de 135.674 hectares.
Il faut ajouter au chiffre des surfaces appartenant aux
colons français 108.079 hectares vendus « à nos compatriotes
en vue de la plantation d’oliviers dans le centre et
le sud. » C’est donc un total de 882.286 hectares qui ont
été vendus, de 1892 à 1912, à des Français, en vue de la
colonisation.
| VIII. — G r a n d e s e t p e t i t e s p r o p r i é t é s
En 1887, dans la première édition de ce livre, je disais :
« Il n’existe encore en Tunisie que de très vastes propriétés
européennes, c’est par milliers d’hectares que se mesurent
les domaines achetés par nos compatriotes. Bien des personnes
se demandent si ce mode de colonisation est le
meilleur, et si la constitution de la petite propriété ne serait
pas plus avantageuse ». Faisant allusion à l’accusation de
spéculation qu’on lançait contre les possesseurs de très
grands domaines, je disais que l’on ne pouvait guère critiquer
les spéculateurs lorsqu’ils agissaient avec leur argent
et lorsqu’ils mettaient la terre en culture aussitôt après