n est pas à eux que l’on peut demander de faire la concession,
il faut s’adresser plus haut qu’eux, il faut s’adresser
à un conseil qui présente des garanties d’indépendance et
qui est capable de résister. » (Très bien! très bien!)
Au sujet des térres de propriété collective il montrait les
abus résultant d’une part de la fausseté des titres, d’autre
part de l’esprit qui anime les tribunaux français. « Lorsque,
disait-il, on arrive devant un tribunal français avec un bail
consenti par un indigènëà un Français — etil ëstbien facile
d obtenir ce bail, il suffît de donner 1Q0 francs à un indigène
et de lui faire payer une -location _de 59 francs, il
vous signera tous les baux que vous voudrez — lorsque,
dis-je, on présente ce bail au tribunal français, la procédure
française joue. Elle ne touche pas les gens de la tribu qui
n’ont point la personnalité juridique. On obtient facilement
un jugement .au possessoire et le tribunal qui le rend se
dit : ce n’est pas bien grave, ce n’est pas la propriété que
nous donnons; s’il y a des droits réels, ils se défendront'
devant les tribunaux qui jugent au pétitoire, devant le
Chaara. En sorte que la possession est accordée aux Français,
qui naturellement doivent'jouir de toute la bienveillance
des juridictions françaises établies. Ce danger était
considérable. Nous avons plus d’un exemple de là gravité
de pareilles tentatives : beaucoup ont été ¡faites, elles ont
échoué devant le tribunal mixte de Tunis... En 1901, il a
été décidé que la terre collective serait inaliénable et
qu’une commission établirait le régime à appliquer à cette
terre. On dit : mais cette commission n’a pas encore terminé
ses travaux... Ce n’est une petite affaire que de réglementer
la terre de jouissance collective en Tunisie. Une
commission fonctionne, qui comprend les plus hautes autorités
juridiques de Tunisie et plusieurs de ses membres
sè sont imposé de véritables expéditions sous la tente
afin de s’enquérir des moeurs de ceux qui ont cette jouissance.
« Rien ne serait plus vain et rien ne serait plus coupables
que de vouloir tirer du cerveau d’un juriste le régime à
appliquer à cette terre. (Très bien! très bien !)
« Il s’agit de.savoir quelles sont les traditions, comment
elles se sont modifiées, comment elles s’améliorent chaque
jour grâce à lai sécurité que .nous avons apportée dans le
pays ;• il faut les enregistrer, il faut tâcher d’en faire la
synthèse et de fonder une loi à laquelle tout le monde
obéira, parce qu’elle ne heurtera pas les habitudes reçues
et les croyances acquises. (Très bien! très bien !)
« Il y a en Tunisie toutes sortes de régimes de jouissance
collective. Il y a ,un pays dans la Kroumirie, où j’ai eu la
surprise de constater que la dévolution des terres se faisait
comme la dévolution du trône : c’est l’aîné des mâles
qui a la jouissance de la terre ; elle ne revient pas à ses
enfants quand il meurt ; elle revient à l’aîné des mâles.
Pourquoi? parce que là, ce n’est pas la culture qui est le
moyen d’existence habituel; c’est le travail du bûcheron.
Il n’y a pas assez de terre pour tout le monde; et alors on
a suivi l’ordre des préséances comme pour la succession
du trône.
« Il y a d’autres régions où l’on m’a -donné cette explication
: « Si nous avions la propriété melk, c’est-à-dire une
« propriété semblable à celle qu’a instituée le code civil
« français, les femmes hériteraient pour la moitié d’une
« part d’enfant mâle. La femme se marie avec un étrange
ger; elle amène l’étranger chez nous : nous n’en vou-
' « Ions pas. Nous laissons donc à la femme sa part dans la
« propriété mobilière ; mais la propriété immobilière,
« nous préférons qu’elle fasse l’objet d’un accord entre
« nous, sous l’autorité des chefs de la tribu plutôt que de
« passer devant le notaire un contrat qui serait conforme
« à la règle coranique et dans lequel notre soeur et notre
« beau-frère auraient une part du sol qui doit nous être
« réservée à nous, gens de la fraction et de la tribu. »
« Eh bien, messieurs, le président du tribunal mixte de
Tunis, il y a deux ans, s’est chargé de faire une.enquête
décisive ; et comme il est très sympathique à la population
indigène, comme on sait qu’il est très dévoué à ses droits
et à ses intérêts, il a pu obtenir, ce qui est toujours difficile,
qu’oij lui parlât à coeur ouvert et que les indigènes