par des voies de communication. On construit en ce
moment une route carrossable entre Tunis et Bizerte; elle
coûtera fort cher et ne rendra pas à la localité les services
qu’on en attend. Bien mieux eût valu faire tout de suite
l’embranchement du chemin de fer de Djedeida à Bizerte
dont j ’ai parlé plus haut. Avec cette voie ferrée et l’amélioration
de son port, Bizerte entrerait dans une ère de
prospérité. Les colons français ne nianqueraient pas de
mettre en culture les riches terres qui l’entourent et de
tirer profit de la beauté de sa plage et de son délicieux climat.
*
« Mais cela ne suffirait pas encore pour lui donner toute
l’importance qu’elle mérite. Ce qu’il faut, c’est la doter
du port de premier ordre auquel sa situation topographique
et l’existence d’un superbe lac intérieur lui donnent
droit. Ainsi que je l’ai dit plus haut, l’avis des personnes
les plus compétentes est qu’il faudrait établir entre le lac
de Bizerte et la mer une communication indépendante de
celles qui existent actuellement. On y trouverait l’avantage
considérable de pouvoir faire les travaux à travers les terrains
non bâtis et dans des conditions qui rendraient
aussi faciles que possible les' relations entre la mer et le lac.
Beaucoup de personnes voudraient qu’on fît un port
exclusivement militaire. Elles font valoir à l’appui de
cette opinion la sûreté absolue dont y jouiraient les bâtiments,
les arsenaux, les approvisionnements, etc.,, et
l’admirable situation qu’occuperait ce port de guerre sur
la route du canal de Suez et de Gibraltar, presqu’en face de
Toulon, et à une faible distance du port de Malte que les
Anglais ont transformé en un refuge imprenable... Je
crois que l’on commettrait une faute si l’on se bornait'à
créer dans le lac de Bizerte un port exclusivement militaire.
Je suis d’avis qu’il y faudrait construire plutôt un port
mixte et franc, comme celui de Malte. En gens pratiques,
les Anglais ne se sont pas contentés d’accumuler à Malte
tous les moyens de défense et l’outillage nécessaires à un
port de guerre ; ils ont également fait tout ce qu’ils ont pu
pour y attirer les commerçants et les navires. Ils n’y ont
établi aucune douane; ils en ont fait une sorte d’entrepôt
où les navires apportent et viennent prendre des marchandises
de toutes sortes sans avoir à payer autre chose que
les frais les plus ordinaires des ports. Grâce à ce système,
les navires ayant toujours l’espoir, je dirais volontiers la
certitude de rencontrer à Malte des- embarquements à
faire, presque tous ceux qui passent par cette partie de la
Méditerranée y font escale. Ils y trouvent, avec les marchandises
et les passagers, du charbon à meilleur marché
qu’à Marseille et presque au môme prix qu’en Angleterre
ou à Anvers.
« Port de guerre de premier ordre par son admirable
situation, Son étendue et les fortifications naturelles ou
artificielles qui l’entourent, Malte est devenue, grâce au
système dont nous venons de tracer l’esquisse, l’un des
ports de commerce les plus fréquentés.
« Ce que les Anglais ont fait à Malte, les intérêts politiques1
et commerciaux delà France exigent qu’elle le fasse
à Bizerte, et elle peut le faire avec la certitude d’en tirer
les mêmes avantages que les Anglais ont retiré du port
de Malte.’
« Au point de vue géographique, Bizerte n’a rien à envier
à Malte. Gomme Malte, Bizerte est située sur la route de
tous les navires qui vont à Gibraltar ou à Suez. Le port
naturel de la seconde est encore plus vaste que celui de la
première, et il est beaucoup plus facile à aménager, à cause
delà nature des terrains qui l’entourent. A Malte, c’est dans
la roche vive qu’il a fallu creuser ; à Bizerte, tout est sable
ou terrain meuble. Quant à la sûreté, Bizerte est supérieur
à Malte en ce que Malte n’a pas de rade, tandis que Bizerte
offre aux navires qui l’abordent la magnifique rade naturelle
que fórme son golfe. Bizerte a encore sur Malte
un autre avantage important. Le port de Malte est creusé
dans une île à peu près improductive, tellement aride
qu’autrefois on n’y laissait pas abordeF les navires s’ils
n’apportaient pas une certaine quantité de terre végétale.
Bizerte, au contraire, est placée au centre d’un pays d’une
extrême richesse, propre à toutes les cultures, aisément