recensement rapide des douars établis sur le domaine
amena à constater que les événements de 1881 avaient eu
pour effet de diminuer considérablemënt 1 effectif de la
population indigène. Avant l’insurrection, les Ouled-Saïd
et les autres fractions agglomérées à cette tribu ou vivant
côte à côte avec elle sur le domaine représentaient une
population totale d’environ 9.000 âmes. Environ 3.000 individus
avaient obéi aux injonctions des chefs révoltés et
s’étaient retirés en Tripolitaine. Il ne restait donc plus
qu’une population d’environ 6.000 âmes pour 1 exploitation
de l’Enfida, c’est-à-dire un groupement ne pouvant
guère fournir plus de 1.000 à 1.200 laboureurs ou pâtres,
soit un homme pour 60 ou 70 hectares ».
La rareté de la population devait, sans contredit, être
l’obstacle le plus sérieux à la mise en valeur de ce domaine,
pour l'exploitation duquel se constitua la Société agricole
et immobilière dont le premier président fut M. Rey et
qui est présidée actuellement par M. Bohn, M. Gros étant
administrateur délégué et M. Coeytaux, directeur du
domaine.
Le centre administratif du domaine fut placé à Dar-el-
Bey, devenu plus tard Enfîdaville et ç est autour de ce
centre que furent concentrés tout d’abord les efforts les
plus considérables de la colonisation. Là se trouvent
d’excellentes terres à céréales, des bas-fonds suffisamment
humides pour constituer d’excellents pâturages* des
terrains propres à la création de vignobles. Afin d’utiliser
les eaux de l’hiver, des barrages intelligemment disposés
furent construits sur les rivières qui traversent la propriété
de l’est à l’ouest pour aller se jeter dans le
golfe de Hammamet. Grâce à eux, ces eaux sont répandues,
pendant l’hiver, sur les plaines avoisinantes qu’elles
fécondent non seulement en les arrosant, mais encore en
les couvrant d’humus entraîné des coteaux voisins. Les
prairies ainsi irriguées donnent, à la fin d avril, une coupe
de fourrage qui produit jusqu’à trente et quarante quintaux
par hectare. Pendant l’été, elles servent au pâturage
des troupeaux.
La Société fit aussi réparer et remettre en état une vingtaine
d’anciens puits datant de l’époque romaine ou creusés
par les Berbères et'en fit elle-même creuser une douzaine
d’autres. Puis elle fit procéder à la captation de
diverses sources, de manière à fournir de l’eau aux centres
de colonisation qui ont été créés. De vastes projets
hydrauliques avaient été dressés dès le début de l’occupation
du domaine ; on les met à exécution au fur et à mesure
des besoins.
Dans la première période de son évolution, la Société
s’était préoccupée surtout d’établir elle-même un important
vignoble, car on croyait alors que le domaine se prêterait/
surtout à la culture de la vigne. Elle en complanta
tout de suite 300 hectares autour de Dar-el-Bey et construisit
un cellier pour vingt mille hectolitres de vin.
Déjà, en 1886, le village se composait de la maison d’habitation
des administrateurs, d’une église, d’une maison
d’école entretenue par la Société, de quelques maisons
dans lesquelles logeaient les employés et les ouvriers
européens, de la maison du Caïd, d’une auberge pour les
indigènes et leurs animaux et de quelques autres habitations
de moindre importance. A quelque distance se trouvait
un village maltais qui fournissait des ouvriers au
domaine.
Les travaux de construction et de défrichement exécutés
dans les premières années, coûtèrent près de
[700.000 francs. Le défrichement des terres était particulièrement
onéreux.
Les vins produits par l’Enfida sont de bonne qualité,
surtout les vins blancs, mais le rendement n’a jamais
dépassé une trentaine d’hectolitres à l’hectare. La faiblesse
de ce rendement et la difficulté de placer la récolte qui se
produisit bientôt amenèrent la Soeiété à réduire son vignoble.
Il ne couvre plus aujourd’hui que 90 hectares
[environ.
La vigne a été" remplacée en partie par des arbres frui-
Itiers, en particulier par des amandiers qui couvrent envi-
fron deux cents hectares et comptent 16.000 arhres.