a quelques jeunes gens à qui la vie coloniale sourit et qui
sont capables, de faire de grands sacrifices; de s’imposer
de grands efforts pour pouvoir rester en Tunisie et y jouer
un rôle utile. Plusieurs sont déjà très préparés, ils ont
fait un stage auprès du directeur des services judiciaires.
J’espère que très prochainement, avant que la promulgation
de nos codes soit terminée, nous aurons le
personnel qui sera chargé auprès de tous les tribunaux
régionaux de la Régence de veiller à leur régulière et
impartiale application. » (Applaudissements à gauche et
au centre.)
Abordant dans un autre discours (le 29 janvier 1912) la
question du Tribunal mixte qui avait été l’objef dte critiques
très vives et qui a pour mission le règlement des
litiges immobiliers entre indigènes ef européens,- le résident
général disait avec raison-: « Il fallait bien que ce
tribunal fût mixte puisqu’il s’agissait d’interpréter des
actes arabes. N’était-il' pas utile qü’il y eût des arabes et
des arabes savants dans ee tribunal qui interprète les titres?
Ils jouent un rôle essentiel dans ce tribunal. Ce sont eux
qui éclairent leurs collègues'. Ces derniers tirent les conclusions
juridiques des-constatations matérielles qui ont
été faites. Mais l’examen de ce que vaut le titre, ce sont
lès juges musulmans qui doivent le faire. (Applaudissements.)
Aussi-, messieurs, lorsqu’on arrive devant le tribunal
mixte avec tous ces vieux papiers plus ou moins litigieux,
avec des tentatives de possession quelquefois consacrées
par le jugement d’un tribunal français,• on est
très étonné de voir combien le tribunal mixte est méfiant
et circonspect* combien il prend son temps avant de se
décider. C’est qu’une erreur, s’il la commet, est irréparable.
Ce tribunal n’a pas la procédure française; il fait
son instruction lui-méme, il peut recourir à tous les
moyens d’information qui lui sont nécessaires. Il a la protection
des incapables et il la prend au sérieux. Il n’y a
pas devant lui, de délai de forclusion ; jusqu’au dernier
moment un justiciable lésé dans son droit peut se présenter
devant lui" et se plaindre ; il échappe aux subtilités et
aux arguties de la procédure française. » (Mouvements
divers.)
Répondant à .ceux qui auraient voulu que la justice
française se substituât en Tunisie à toute la justice indigène,
M. Alapetite, après avoir rendu hommage à nos
magistrats, ajoutait : « Mais si la juridiction française en
Tunisie n’a pas eu que des conséquences heureuses, ce
n’est pas aux magistrats qu’il faut s’en prendre, mais à la
procédure qui a passé la mér avec eux. (Applaudissements.)
Il y a toute une série d’obstacles pour le malheureux
indigène illettré et ignorant. (Très bien! très bien! à
gauche et à l’extrême gauche.) Toutes sortes de collusions
sont à craindre pour lui ; il suffit qu’une pièce qu il a
envoyée ne soit pas parvenue dans le dossier où elle devrait
figurer pour qu’il se voie arracher la terre- où ses
pères ont travaillé avant lui et si lés jugements de la justice
française sont accueillis avec la déférence qui est due
à cette juridiction, savez-vous ce qui est le plus dommageable
à là Tunisie? C’est l’exécution fie ces jugements
en vertu du code de procédure civile.
« Lorsqu’un indigène a contracté une dette et qu’il a
la chance que son créancier est justiciable des tribunaux
tunisiens, il est condamné, carie créancier a toujours des
titres, et on a constaté que quatre-vingt-quatorze fois sur
cent le créancier a raison. Mais que fait la justice tunisienne
? Elle envoie le jugement au caïd qui est chargé de
son exécution. Il touche le même tant pour cent que sur
les impôts ; il attend le moment de la récolte et, quand il
a encaissé l’impôt dû par le contribuable, il apprécie dans
quelle mesure celui-ci peut acquitter sa dette. Généralement,
il ne l’exécute pas. . Si au lieu que ce soit le caïd,
c’est l’huissier qui est chargé de l’exéeufion, l’expropriation
ne se fait pas attendre. Songez, messieurs, à ce que
coûte l’exécution, en vertu des lois de procédure française.
L’huissier est à 80 kilomètres ; pour signifier une condamnation
à 30 francs de restitution, il se transporte avec des
témoins , avéc un interprète, et tout ce monde est payé
au kilomètre. C’est la ruine pour ce débiteur. Je mets en