habitation est une hutte ou gourbi permettant à peine de
se tenir debout et entouré d’un parc dans lequel est logé
son bétail. Son lit est une natte ou une peau de mouton.
Son vêtement se compose de loques et d’un burnous qui
semble avoir servi à plusieurs générations. Les femmes
sont vêtues d’une simple pièce de cotonnade bleue. Les
enfants vont nus, ou peu s’en faut N Quant à la nourriture
de la famille, elle se compose d’eau comme boisson, de
galettes de semoule pétries par lés femmes et cuites dans
de petits fours en terre, d’huile rance dans laquelle on
trempe légèrement le pain, et, une fois par jour seulement,
de couscouss, avec, ou plus souvent, sans viande.
Celle-ci est représentée soit par des volailles maigres,
soit par la chair ou simplement les intestins frais ou
séchés au soleil du mouton ou du boeuf.
Lorsque l’année est mauvaise, c’est-à-dire lorsque la
pluie a été trop rare, le khammès a vite consommé sa
maigre part de grain ; il s’adresse alors à son propriétaire,
qui est tenu par la coutume de lui faire des avances, mais
auquel, à partir de ce jour, il sera presque indissolublement
lié. Comment, en effet, pourra-t-il rembourser les
cent, cent cinquante ou deux cents francs qui lui seront
donnés en acompte sur la récolte future? Désormais le
khammès est un serf; il ne pourra quitter le propriétaire
auquel il doit, et se lier à un autre, qu’à la condition que
celui-ci rembourse au premier sa créance.
L’influence d’un pareil état de choses sur le régime économique
du pays en général, et sur son agriculture en particulier,
ne peut être que funeste. N’ayant aucune chance
de devenir propriétaire du Sol, ne pouvant même pas
caresser l’espoir de se libérer vis-à-vis du propriétaire, le
khammès ne fait aucun effort pour améliorer la terre et se
laisse volontiers aller à ne faire que.la somme de travail
tout à fait indispensable pour assurer sa subsistance.
D’autre part, comme le propriétaire retire de sa terre,
sans efforts et presque sans dépense, un revenu relativement
élevé, il ne se préoccupe pas plus que le khammès
des moyens d’augmenter le rendement du sol.
De là le mauvais état de la plupart des terres à céréales
de la Tunisie, la négligence apportée dans le labour, l’absence
absolue de fumure et de sarclages ; de là, en un mot,
la situation déplorable de l'agriculture indigène dans un
pays où sont réunies la plupart des conditions pour qu’elle
soit prospère.
Cependant, des progrès notables ont été réalisés dans la
culture indigène des céréales. « D’après nos ^ôles de
l’impôt, dit M. Alapetite1, au début du protectorat les
indigènes ne labouraient que 600.000 hectares, ils labourent
maintenant 1.000.000 d’hectares, sans compter les
100.000 hectares labourés par les Français. » M. Alape-
tite ajoute : « Au moment de l’avènement du protectorat,
la production céréalière de la Régence pour la moyenne
des cinq premières années, était d’environ 1.900.000 hectolitres.
Aujourd’hui la production céréalière des Français
seuls atteint ce chiffre, et pendant ce temps la production
indigène s’est élevée de 1.900.000 hectolitres à 5 millions
d’hectolitres, moyenne des cinq dernières années. » Il
résulte de ces chiffres non seulement que la surface cultivée
s’est accrue, mais encore que lé rendement à l’hectare
a augmenté.
§ II. — C u l t u r e d e s o l iv i e r s
La seconde grande culture indigène de la Tunisie .est
celle de l’olivier.
Les localités dans lesquelles les oliviers sont cultivés
par les indigènes sur une vaste échelle sont : les environs
de Tunis, de Tebourba et de Bizerte, la partie inférieure de
la presqu’île du cap Bon (Grombalia, Soliman, Menzel-
Bou-Zalfa, les alentours de Zaghouan et duKef), les caï-
dats de Sousse, de Djemmal, de Monastir et de Mahdia, lés
environs de Sfax, ceux de Gafsa,de Zarzis,les Matmatas et
l’île de Djerba. Nous ne citons que les lieux dans lesquels
ils forment des cultures assez importantes et assez homogènes
pour mériter le nom de bois ou forêts d’oliviers. Mais
1. Loc. cit.