CHAP ITRE Y
L’INDUSTRIE INDIGÈNE
On peut dire que, sans être absolument nulle, l’industrie
indigène est aussi rudimentaire que possible.
L’huilerie est de beaucoup l’industrie indigène la plus
importante; c’est celle dont la transformation par les
Européens était susceptible de donner les résultats les plus
immédiats; aussi est-ce yers elle que se sont portés les
premiers efforts de nos compatriotes.
L’installation d’une huilerie indigène est aussi simple
que possible. Elle se compose essentiellement d’une
chambre obscure pour conserver les olives, d’un moulin
et d’une presse. Aussitôt après la récolte, on entasse les
olives dans la chambre obscure, en ayant soin de faire
alterner une couche d’olives avec une couche de sel. On
laisse mariner les fruits pendant trois ou quatre mois.
Sousl action combinée du ramollissement qu’elles subissent
et du sel avec lequel on les a mélangées, les olives perdent
une grande partie de leur eau; celle-ci s’écoule par le
fond de la chambre obscure dans un réservoir creusé au
dehors en entraînant une petite quantité d’huile qui flotte,
en vertu de sa moindre densité, à la surface de l’eau où
1 on a soin de la recueillir. Ajoutons que les olives moisissent
et fermentent, et que l’huile contenue, dans leurs
tissus devient plus ou moins rance avant même d’avoir été
extraite.
Lorsqu’on estime la perte d’eau suffisante, c’est-à-dire
au bout de trois ou quatre mois, on met les olives dans le
moulin. Celui-ci se compose d’une simple auge en pierre
dans laquelle tourne une meule verticale mue par un
homme, un cheval, un chameau ou un âne. La meule
broie à la fois la pulpe et le noyau, au grand détriment de
la saveur de l’huile, qui, du reste, comme' nous l’avons
dit, est déjà rance.
La pulpe obtenue par le broyage est mise dans des sacs
en jonc et soumise à une presse à vis en bois assez semblable
par la forme a celles dont on fait usage en France.
Souvent 1a. presse se compose simplement de deux pièces
de bois dont l’une est pressée contre l’autre par Un levier
formé d’un tronc d’arbre. J ’ai particulièrement remarqué
ce système rudimentaire dans les montagnes des Matmatas.
Quelle que soit, d’ailleurs, la presse employée, elle est
toujours trop faible pour extraire de l’olive toute l’huile
quelle contient, et les marcs ou grignons qu’elle laisse
son*t assez riches en huile pour être susceptibles de donner
de beaux bénéfices a celui qui sait les utiliser.
Dans les environs de Tunis, le gouvernement fournissait
autrefois les moulins à huile; on peut même dire que
les propriétaires étaient obligés d’aller faire moudre et
presser leurs olives dans des huileries gouvernementales.
Cette méthode avait été adoptée afin de faciliter la perception
des impôts. En effet, au moment de la trituration des
olives, le fermier de l’achour percevait 11 p. 100 en
nature sur le produit fabriqué.
Le gouvernement tunisien a cessé de fournir les moulins
à huile. Il y a beaucoup d’huileries modernes en Tunisie,
même chez les indigènes.
Dans les parties-dp la Tunisie ou l’impôt des oliviers est
payé par pied d’arbre, comme dans le Sahel, la fabrication
de l’huile est entièrement libre; le propriétaire paie à l’industriel
qui broie ses fruits, sous sa surveillance, une certaine
redevance calculée d’après leur poids au moment de
la trituration. La diminution de poids que subissent les
olives en perdant leur eau pendant la macération dont nous
avons parlé plus haut, entraînant une diminution proportionnelle
de la redevance due au moulinier, il est probable
que l’intérêt est la cause principale de l’habitude qu’on