vait être exonéré d’une partie de l’impôt en raison des
accidents climatériques ou autres qui avaient pu réduire
l’importance de la récolte. La commission, composée
d’un fonctionnaire président, d’un agent du caïd, d’un
aminé ou expert et d’un notaire choisis par le gouvernement
en dehors de la région, se rendait sur les lieux, convoquait
les notables et s’enquérait auprès d’eux du nombre
de méchias qui avaient été ensemencées ; elle prenait les
noms de tous les cultivateurs et se transportait dans leurs
champs pour déterminer sur place la nature de la récolte
et fixer le taux de l’impôt. L’habitude était de le réduire
toujours d’un ou plusieurs seizièmes. Les décisions de la
commission étaient définitives ; le propriétaire n’avait
contre elles aucun recours auprès d’aucune autorité; le
seul contrôle auquel la commission fût soumise était
celui de l’inspecteur indigène des finances, qui , avait le
droit dë révoquer l’amine et de le remplacer par un
autre. Les commissions commençaient de fonctionner au
mois de mai. Comme le territoire sur lequel chacune
d’elles devait opérer était très étendu, il arrivait souvent
que l’époque de la moisson survenait avant qu’elle eût terminé
son inspection, de sorte qu’elle était obligée ou bien
de prendre des décisions sans avoir vu les récoltes, ou bien
d’interdire aux cultivateurs de procéder à celles-ci avant
qu’elle eût fait sa tournée. Il y avait là une première
source de difficultés et de contestations souvent très vives
entre l’autorité et les agriculteurs. D’autre part, un grand
nombre d’aminés ne se faisaient aucun scrupule, d’exonérer
plus ou moins tels ou tels propriétaires pour des
motifs inavouables, ce qui déterminait le mécontentement
des autres. Je disais à ce sujet dans la première édition du
présent livre : « Je serais obligé dé donner beaucoup trop
d’étendue à cette partie de mon travail si je voulais consigner
ici toutes les protestations et réclamations que j ’ai
moi-même entendues de la bouche des agriculteurs indigènes.
Je ne citerai qu'une seule de ces plaintes. Des cultivateurs,
dont les champs sont situés sur une colline peu
fertile, se plaignent de ce que la commission les a imposés
au même taux que les cultivateurs des champs situés
dans les parties les plus productives et les mieux arrosées
de la plaine. Us avaient porté une réclamation au caïd.
Us n’ont obtenu d’autre résultat que de se voir augmenter
les uns de deux, les autres de quatre seizièmes, en sorte
qu’ils vont payer pour de mauvaises récoltes beaucoup
plus que leurs voisins pour des récpltes excellentes ».
L’achour est en somme un impôt très lourd, d’une application
difficile et prêtant aux abus. Il offre, en outre, l’inconvénient
d’être d’un rendement tout à fait incertain.
Afin d’en rendre la perception plus facile, on ne le fait
plus payer qu’en argent et l’on a supprimé les commissions
de répartition ; mais il n’en reste pas moins imparfait
et susceptible de provoquer les abus. Dans son discours
devant la Chambre des députés, le 26 janvier 1912,
M. Alapetite disait à son sujet : « En réalité, c’est la dîme,
mais une dîme aggravée. Jadis c’était bien la dîme, on
passait après la récolte et sur dix gerbes on en prenait
une. Vous pensez bien qu’une administration financière,
soucieuse de sa bonne renommée, n’a pas pu s’astreindre
à un régime aussi primitif. On a converti l’achour en un
impôt en argent et on en a fait, en quelque sorte, un abonnement,
c’est-à-dire qu’au lieu de prendre une dixième
gerbe, on a dit que l’achour devait correspondre avec une
somme donnée par superficie ensemencée, que l’année
soit bonne ou que l’année soit médiocre.
« Lorsque l’année est tout à fait mauvaise, lorsqu’il n’y
a .aucune récolte, il est évident qu’on ne peut pas percevoir,
mais lorsque la graine semée a donné seulement
deux ou trois grains on appelle cela une récolte médiocre
et pour que l’équilibre financier fût assuré, il fallait tout
de même que l’achour fût perçu. Il y avait aussi les commissions
d’achour dont a parlé l’autre jour M. Thalamas,
en omettant de dire toutefois que c’est moi qui les ai supprimées.
« Ces commissions d'achour, qui se composaient
d’amines indigènes, avaient bien conservé quelque chose
des traditions de la vieille administration musulmane. On