SWlde bourgeoisie tunisienne après rétablissement du protectorat
dans la Régence. (Constituée par un nombre peu
considérable de familles presque toutes alliées les unes
aux autres, cette bourgeoisie vivait de temps immémorial
des faveurs et des fonctions qui lui étaient accordées par
les beys. Elle possédait des propriétés mal gérées, d’un
rapport peu considérable et vivait surtout de ce qu’elle
tirait du trésor boylical. A }a suite de l’occupation française,
1 existence lui devint en général difficile, en raison
des réformes introduites dans le gouvernement et les ser-i
vices publics. Quelques familles vendirent leurs propriétés
à des Européens et quittèrent la Régence. La plupart
restèrent en Tunisie, mais furent contraintes de réduire
leurs dépenses et même de vendre une portion plus ou
moins grande de Igurs biens. Elles s’effondrent ainsi petit
à petit dans l’inaction et l’indolence. D’autres, se ralliant
avec loyauté au nouveau régime, y sollicitèrent des
emplois. Elles détiennent Ja plupart des caïdats et jouissent
d’une autorité non contestée parmi les populations
indigènes. Peu à peu, leur moralité administrative s’est
améliorée, par l’exemple des fonctionnaires français et en
raison du contrôle auquel elles sont soumises; les exemples
deviennent rares de gros fonctionnaires tunisiens contre
lesquels le gouvernement du Protectorat doit sévir pour
châtier des actes de concussion ou des abus de pouvoir.
Une troisième catégorie de l’ancienne bourgeoisie est
constituée par les familles qui se confinent dans les fonctions
revêtant plus ou moins le caractère religieux, telles
que l’enseignement dans les établissements musulmans,
les tribunaux qui jugent au nom du Coran, etc. Elles représentent,
d’après les personnes les plus autorisées, la
partie la plus digne, la plus morale, la plus instruite des
ce Vieux-Tunisiens ». Elles méritent que le Protectorat
s’intéresse à elles et les utilise; ce serait, sans aucun
doute, le meilleur moyen de contre-balancer l’influence
des éléments dAgitatipn fournis par les $c Jeunes-Tuni-
siens ».
Là masse de la population tunisienne a vécu, depuis l’établissement
du Protectorat, dans un état de tranquillité à
peu près constante. Quelques incidents se sont produits de
temps à autre, en quelques points, mais ils n’ont jamais
eu ni durée ni conséquences graves au point de vue de
l’état moral de la population. Celui-ci est, en somme, aussi
bon qu’il est possible de le désirer. Il s’est même produit
une évolution marquée de la mentalité tunisienne vers la
mentalité française. Le peuple commence à éprouver, en
viyant à notre contact, des besoins de bien-être, d’hy-
giène, de salubrité qu’il ne connaissait' pas, et il commence
d’en résulter le désir de travailler plus qu’il ne lp
faisait jadis pour acquérir ces biens nouveaux. 11 sera
facile de provoquer l’accentuation de cette marche vers la
civilisation.. Trois conditions, particulièrement, y pourront
contribuer : le respect de tout ce qui tient aux moeurs traditionnelles
du pays ; celui de tout çe qui touche de près
ou de loin à la religion; celui de la propriété.
La prétention des- colonisateurs est, généralement,
d’imposer aux peuples colonisés leurs propres moeurs,
croyances et conceptions de la propriété, sous le prétexte
qu’étant parvenus à un plus haut degré de civilisation ils
sont plus près de la vérité morale et sociale que les
peuples auxquels ils ont imposé leur domination. Or, il n’y
a pas d’erreur plus lourde que celle-là ; il n’y en a pas non
plus qui soient la source de fautes plus graves et de
mécontentements plus dangereux, Quelque dédain, par
-exemple, qu’ait un Européen protestant ou catholique pour
l’idole du Nègre ou du Polynésien, celle-ci n’en est pas
moins aux yeux de ceux qui l’adorent une valeur égale à
Gelle du Dieu immatériel et universel du catholicisme ou
du protestantisme. La profanation de la plus ridicule des
idoles ne diffère pas, en somme, de celle de l’hostie consacrée
par le prêtre catholique. Parmi les populations musulmanes,
la polygamie et l’infériorité de la femme ont pour
conséquence un ensemble de conceptions sociales, politiques
et économiques, dont un prêtre catholique ne saurait
parler sans blesser jusqu’au fond du coeur ceux
auprès desquels sa propagande s’exerce. En Algérie, nous