qu’il a concédés à des sociétés privées fassent le plus1 de
recettes possible, se désintéresse de tous les autres. Or,
il ne me paraît certain que la Tunisie, envisagée dans
son ensemble et du point dé vue économique, ait intérêt à
ce que ses grands ports seuls soient fréquentés. Il est permis
de constater, daprès les statistiques officielles dont je
parlerai plus bas, que ces grands ports sont depuis plusieurs
années dans une situation stationnaire, tandis que
les petits ports conservent leur ancienne clientèle-. Ne
faut-il pas en conclure que ces derniers répondent à des
besoins réels et que l’administration a tort de les négliger?
Sur la côte orientale de la Tunisie se trouvent les ports
de La Goulette et Tunis, Sousse, Monâstir, Mahdia, S fax
Gabès, Houmt-Souk (île de Djriba) et Zarzis. Il me paraît
intéressant d analyser ici, à titre historique, . ce que je
disais de ces ports dans la première édition de cet ouvrage.
La .ville de Tunis est bâtie dans le fond du lac de ce
nom, c est-à-dire dans le point le plus éloigné de la mer.
Devant Tunis, le lac a une largeur d’environ quatre kilomètres
; il est séparé du golfe de Tunis par un ruban de
terre n ayant, dans sa partie la plus étroite, qu’une cinquantaine
de mètres de largeur et ouvert en un seul point
où 1 on a établi un pont de bateaux qui permet de faire à
pied sec tout le tour du lac. C’est à l’entrée du lac, entre
celui-ci et le golfe de Tunis, qu’a été bâtie la petite ville de
la Goulette. Elle est reliée à Tunis par un chemin de fer.
Les navires mouillaient encore en 1887 devant la Goulette,
à un mille environ de terre ; on né pouvait les charger et
les décharger qu’à l’aide de chalands amenés le long du
bord, qui eux-mêmes chargeaient et déchargeaient à la
Goulette, le long d’un quai en bordure d’un petit canal
reliant le golfe au lac de Tunis. Ce dernier n’ayant que
très peu d’eau, de trente à cinquante centimètres, à peine
un mètre dans les endroits' les plus profonds, les petites
barques seules y pouvaient pénétrer.
Il résultait de cet état de choses que les marchandises à
destination de Tunis devaient subir la série des opérations
suivantes : 1° débarquement des, navires dans les chalands
en plein golfe, et sans abri contre les vents ou la mer, ce
qui faisait que le déchargement était souvent impossible
pendant des journées entières; 2° débarquement des chalands
à la Goulette; 3° embarquement sur les wagons
et transport à Tunis par voie ferrée ; 4° débarquement des
wagons à Tunis et transport à l’aide des charrettes dans
les magasins. Il est aisé de se rendre compte de l’importance
des frais dont les marchandises qui avaient subi
tous ces transbordements et transports se trouvaient grevées
quand elles arrivaient enfin à destination.
L’idée de créer un port à Tunis devait donc tout naturellement
surgir dans l’esprit des colons et dans celui des
administrateurs français. Aussi, dès la fin de 1881, une
convention était-elle conclue entre le gouvernement beylical
et une société française, la compagnie des Batignolles, pour
la construction d’un port à Tunis. Mais l’affaire ne marcha
(jue lentement. Tout le monde n’était pas d’accord sur le
liou où il convenait de faire le port. On prétendait même
que’quelques intérêts s’étaient opposés à sa construction
dans le but de drainer les produits tunisiens vers l’Algérie
et le port de Bône.
Quant au lieu le plus convenable à l’établissement
du port, il était fortement discuté. Un certain nombre
de bons esprits voulaient qu’il fût construit sur l’emplacement
de l’ancienne Carthage, c’est-à-dire sur le golfe de
Tunis, à l’abri de la pointe sur laquelle est. bâtie la charmante
petite ville de Sidi-Bou-Saïd. Ils faisaient valoir que
l’on pourrait aisément créer en ce point un port en eau
profonde pouvant recevoir les navires de toutes les dimensions,
et beaucoup plus rapproché de la grande mer, par
conséquent plus facilement abordable, qu’un port creusé à
Tunis même.
Les adversaires de ce projet objectaient, non sans raison,
que; dans l’intérêt du commerce, les marchandises doivent
toujours être apportées par les navires aussi près que possible
des magasins destinés à leur vente.; qu’en faisant le
port à Carthage ou à la Goulette on laisserait subsister
une partie des transbordements et le transport par chemin