nous a parlé des caïds, des cheiks, de leurs mauvaises
habitudes. Je ne prétends pas que ce personnel donne des
garanties aussi complètes d’intégrité et de savoir que l’administration
qui s’est constituée en France au lendemain
de la Révolution. Ce n’est pas du jour au lendemain que
bon change ainsi les moeurs d’une race. Mais ces chefs
indigènes sont aujourd’hui très étroitement surveillés.
J ai ici la liste des peines disciplinaires qui ont été prononcées
depuis que je suis là. Ça été un massacre. »
Le kanoun sur les oliviers et les dattiers peut être
défini un impôt de capitation sur les arbres, puisque
chaque olivier ou dattier paie, chaque année, en espèces,
une taxe fixe. Çelle-ci varie avec les localités ; elle est
d autant plus élevée que l’arbre produit plus de fruits et
des fruits de meilleure qualité. L’impôt est perçu par le
cheik, soüs la surveillance du caïd. Il est généralement
considéré comme trop lourd et mal réparti. Je disais dans
la première, édition de ce livre : « Ce n’est un secret pour
personne,, en Tunisie, que les statistiques officielles des
oliviers sont absolument fausses, et que le nombre des
arbres portés sur le rôle des contributions est de beaucoup
inférieur à la réalité ». La source de l’abus se trouvait dans
le fait que les cheiks jouissaient de la faculté de réunir
en une seule unité deux, trois ou quatre arbres lorsque
ceux-ci sont de faible rapport. Dans cette opération, « ils
cédèrent volontiers, disais-je, aux influences et aux sollicitations
». Ces abus n’ont été diminués que dans une proportion
insuffisante et l’on considère généralement l’impôt
du kanoun sur les oliviers et les dattiers comme un obstacle
au développement de la culture de ces arbres. Pour
combattre cet obstacle, il a été décidé que les nouvelles
plantations et les oliviers nouvellement greffés seraient
exemptés d’impôt les premiers pendant vingt ans, les
seconds pendant dix ans. Il est à souhaiter que l’on modifie
l'a nature même de l’impôt.
Les mahsoulats comprenaient des droits frappant tous
les produits de la terre autres que le blé et l’orge qui se
vendent dans les villes ou sur les marchés de la Régence.
« Ces droits, disais-je dans la première édition de ce livre,
sont très lourds pour certains produits qui paient parfois
jusqu’à 45 p. 100, et parmi lesquels sont compris les
légumes frais, les choux, les salades, etc. » La perception
de tous ces droits était adjugée à des fermiers, chaque
année, au mois de septembre. On comptait près de 150 fermages.
La base de la perception était soit la charge d’un
animal (ex. : les abricots), soit le nombre (ex. : les noix),
soit le poids (éponges, savons, raisins secs, amandes,
oranges, etc.), soit la mesure (sésame). Certains droits
étaient perçus mensuellement, par exemple les droits sur
les boutiques qui vendaient des saucisses, des ragoûts,
des fèves, du charbon, des herbages et légumes frais, des
viandes rôties ou en brochettes, des fruits secs, de la
viande fraîche. Des droits spéciaux étaient perçus sur les
vendeurs occupant certains emplacements. Certains droits
étaient payés par l’acheteur, par exemple pour les fruits,
les melons, etc. « On comprendra facilement, disais-je,
les abus auxquels donne lieu un semblable régime, quand
on saura que le tarif général de ces droits est partout
modifié par des usages locaux dont personne ne connaît
exactement la nature... Les indigènes sont à la merci des
collecteurs d’impôts qui les exploitent sans vergogne.
L’absence de tout texte précis, la faculté d’évaluer la marchandise
sont autant d’armés dangereuses laissées entre
les mains des fermiers. L’innombrable quantité de taxes
qui frappent de toutes les façons le vendeur et l’acheteur
arrêtent la production et paralysent le commerce èt l’agriculture
dans une contrée où un régime de liberté les développerait
avec une incroyable rapidité. Il faut à un pays
ainsi atteint dans sa production une vitalité énorme pour
y résister, et on peut espérer beaucoup de la Régence qui
supporte de pareilles charges, et qui, néanmoins, ne
cesse de se développer. »
Ce régime, comme celui des douanes, était dû à l’incapacité
de gouverner et d’administrer du gouvernement bey-
lical. Pour avoir de l’argent, il frappait toutes les sources
de la production, et comme il se sentait incapable de les