troduetion de l'industrie européenne. Encore ne réussit-il
pas toujours à imiter convenablement les modèles, ainsi
que nous l’avons fait remarquer à propos des cotonnades
teintes en bleu par l’indigo. Cependant, il est impossible
de distinguer une couverture faite à Djerba de celles que
l’Angleterre fabrique pour y être vendues, ni certains tapis
de Kairouan des imitations anglaises.
C’est, à mon avis, à leur habitude de se plier aux goûts
des consommateurs indigènes, beaucoup plus qu’au bon
marché de leurs produits, que les Anglais doivent leur
succès dans les pays exotiques. Si les Italiens peuvent couvrir
la Tunisie de leurs meubles, c’est que, presque sans
souci du bon goût ou du moins-de ce que nous entendons
par là, ils ont su copier les formes et les couleurs des
meubles autrefois fabriqués par les indigènes eux-mêmes.
Produisant mécaniquement et par suite meilleur marché,
en même temps qu’ils se conformaient strictement aux
désirs des acheteurs, ils ont très vite détrôné l’industrie
indigène. Ils y ont également réussi pour les faïences.
I I I - — L e c o m m e r c e e t l e r é g im e d o u a n ie r
Jusqu’en 1890, le commerce de la Tunisieffut beaucoup
gêné par le régime douanier, par certains impôts intérieurs
et par l’absence des institutions de crédit. En 1887-89,
le commerce total de la Régence, importations et exportations
réunies, n’était que de 30 millions. Deux ans plus
tard, en 1891, il atteignait le chiffre de 77 millions de
francs. Il avait suffi, pour déterminer cet énorme accroissement,
de la loi du 19 juillet 1890 qui modifia le régime
douanier.
Dans la première édition de ce livre, en 1887, attirant
l’attention des pouvoirs publics sur les entraves mises au
commerce tunisien par les impôts intérieurs et les droits
de douane, je citais l’exemple suivant : « 100 toisons de
laine, dite en suint, c’est-à-dire non lavée, vendues au
marché 300 piastres ou 186 francs, payent d’abord le droit
de 6 1/4 pour 100 qui frappe toutes les ventes, soit
18 piastres 73 ; puis un certain nombre de droits qui ne
figurent sur aucun tarif officiel, mais qui sont dus en
vertu des usages : le vendeur donne deux toisons de boni
| à l’acheteur, et une toison au crieur public qui a fait la
vente; il paye pour le notaire et pour le papier timbré de
la quittance, environ 3 piastres 25 ; il a en outre payé
2 piastres pour le chameau qui a porté les toisons au
marché, soit en totalité 32 piastres ou 20 francs pour des
toisons qui valent 186 francs. Si ces toisons sont exportées,
elles payent encore à la sortie 56 piastres ou 25 francs
pour 256 kilogrammes, ce qui est le poids ordinaire de
100 toisons. Au moment où elles quittent la Tunisie, les
100 toisons ont donc payé 55 francs de taxes diverses
pour une valeur de 186 francs. Il est vrai qu’à l’entrée en
France, elles sont plus favorisées que l’huile d’olive et ne
sont soumises à aucun droit d’importation. Au droit qui
frappe la laine, il faut joindre les droits à l’exportation
auxquels sont soumis les moutons à la sortie de la Tunisie.
J ai signalé ailleurs les procédés qu’emploient les indigènes
pour éluder toutes les fois qu’ils le peuvent les impôts sur
les laines dont nous venons de parler. La plupart de ceux
qui ont leurs troupeaux sur les frontières de l’Algérie les
font passer dans ce dernier pays au moment de la tonte,
coupent et vendent leurs laines sans avoir quoi que ce soit
à payer, puis rentrent dans la Régence. Ce qu’ils
cherchent è, éviter, ce n’est pas tant l’impôt lui-même que
les vexations, de mille sortes dont sa perception est accompagnée
de la part des fermiers des Mahsoulats. Le trésor
perd ainsi chaque 'année des sommes considérables qui
rentreraient dans ses caisses si l’impôt était établi sur
d’autres bases ».
Les huiles d’olives de la Régence étaient soumises à un
régime d impôts et de droits de douane qui rendait également
leur exportation fort difficile. D’après une note qui
m avait été remise par un colon tunisien dont les affaires
commerciales et industriellés portaient principalement sur
les huiles, les charges supportées par l’hüile d’olive dans
1 intérieur de la Tunisie s’élevaient à 28 p. 100 de sa