CHAPITRE IV
L’AGRICULTURE INDIGÈNE
Il existe en Tunisie trois grandes cultures indigènes :
celle des céréales, celle des oliviers et celle des dattiers,
auxquelles il faut joindre celle que l’on appelle dans le
pays « les jardins ». Celle-ci comprend, avec les plantes
maraîchères, une certaine quantité d’arbres, d’arbustes et
d’herbes qui fournissent des éléments à l’alimentation de
l’homme ou des animaux et^qui exigent des soins spéciaux
et un arrosage régulier. Les indigènes ont également cultivé
de tout temps de la vigne pour les fruits qu’ils
mangent frais ou séchés.
| I . — C u l t u r e in d ig è n e d e s c é r é a l e s
Sous le titre de culture des céréales, nous comprendrons
surtout celle du blé et de l’orge. Les centres principaux de
ces cultures sont : dáns le Nord, les plaines de la Medjer-
dah, parmi lesquelles il faut citer la vaste vallée qui
s’étend entre Béja et Ghardimaou sur une longueur de plus
de 80 kilomètres et une largeur moyenne de 5 à 6 kilomètres
; celle d’Utique au voisinage de l’embouchure du
fleuve dans le golfe de Porto-Farina ; la région de Mateur
qui est aujourd’hui en pleine culture et qui figure parmi
les plus fertiles et les mieux colonisées de la Tunisie ; les
plaines de la Milianah, etc. ; dans l’est et le sud toute la
partie du pays qui s’étend entre la mer et les montagnes.
Si toutes les parties de la Régence recevaient régulièrement
des pluies pendant l’hiver, toutes se prêteraient
également à la culture des céréales, parce que toutes ont
un sol suffisamment fertile. Mais, ainsi que nous l’avons
dit plus haut, les pluies ne sont régulières qu’au nord de
la Medjerdah ; elles sont moins abondantes, avec moins
de régularité, au-dessus d’une ligne qui couperait transversalement
la Régence de Sfax à Feriana.
Même dans ces régions, de simples gourbis en branchages
ou des tentes en toile brune sont à peu près les
seules manifestations de la vie agricole indigène que l’on
trouve dans une foule de lieux où se dressaient jadis les
maisons en pierre des agglomérations romaines. Des surfaces
immenses, des terres magnifiques ne portent que
des chardons ou des broussailles ; quant aux parties cultivées
en blé ou en orge par les Tunisiens, elles ne sont
jamais fumées et ne reçoivent qu’un labour insignifiant.
Après les premières pluies de l’automne, les indigènes font
passer dans les champs qu’ils veulent ensemencer une
charrue de très petite taille qui ne fait que râcler le sol;
puis ils sèment le blé ou l’orge et ne s’occupent plus de la
terre que pour faire la moisson dans le courant du mois de
juin. Ils coupent alors la partie supérieure des tiges du
blé ou de l’orge, laissant un chaume très haut qui servira
de pâture aux bestiaux. Le dépiquage est fait avec un
appareil qui paraît dater de l’époque carthaginoise.
Avec une semblablè'culture, le rendement des terres ne
peut être que minime. On l’estime à 6 hectolitres seulement
par hectare. Aussi, la Tunisie faisait-elle, au moment
de la conquête, à peine assez de blé et d’orge pour la
nourriture de ses habitants. ,
Depuis quelques années, à l’imitation et sur les conseils
des colons français, un certain nombre d’indigènes ont
notablement amélioré leurs procédés de culture, surtout
dans le nord. Afin de les y engager, on a réduit l’impôt à un
dixième de son taux normal pour les terres cultivées à la
charrue française; mais il n’y a que les indigènes riches
qui peuvent faire usage de cet instrument. « La charrue
française, fait observer avec raison M. Alapetite, est très
dure à tirer, surtout lorsque la terre est sèche ; il faut un