Celui qui ne dirigerait pas lui-même l’exploitation devra
retrancher une partie du rendement pour payer les frais
de gérance et de surveillance; mais il lui restera du 5 au
8 p. 100. C est là un taux bien supérieur au rendement
des capitaux de h rance. De plus, il aura une plus-value
certaine dans un pays neuf, encore peu habité. »
Cette plus-value s’est produite depuis le jour où ces
lignes furent écrites et cela oblige à modifier dans des
proportions assez fortes sans doute, les chiffrés ci-dessus.
Dans les régions de Béja et de Mateur, le prix des
terrains s est beaucoup élevé. On parlait, récemment,
d un millier de francs à l’hectare pour les terrains de
seconde valeur des environs de Béja. Il y a une douzaine
d’années les mêmes terrains valaient 150 à 200 francs. Il
faut donc prévoir pour l’achat des terres une somme très
supérieure à celle qui est prévue plus haut. D’autres
chiffres certainement doivent encore être élevés.
M. Saurin insistait, non sans raison, sur /la nécessité
de ne choisir pour métayers que de véritables paysans,
laborieux et intelligents. « Le paysan, dit-il, doit être un
laboureur, conduisant lui-même sa charrue ou sa charrette,
maniant la pioche aussi bien que le sécateur et ne
craignant pas de salir ses souliers dans le fumier. Il doit
vivre de la vie du paysan; Voyez autour de vous à la
campagne comment vivent nos cultivateurs. Us se nourrissent
presque exclusivement avec les produits de leur
champ; ils ont une basse-cour bien garnie, un jardin
bien tenu, une vache ou une chèvre. Dans un coin de la
ferme, on entend le grognement du cochon qui fournira
la graisse, le lard et le jambon. Dans ces conditions, il
suffira de peu de chose pour joindre les deux bouts. Les
paysans qui veulent vivre en citadins ou en bourgeois
avant d’avoir réalisé des économies sont voués à une
ruine certaine. » Le paysan français qui accepte un
métayage en Tunisie doit, en .somme, se dire qu’il ne
devra ni moins travailler ni se donner plus de confortable
en Tunisie qu’en France, mais qu’il pourra s’élever
plus facilement à l’état de propriétaire dans le premier de
ces pays que dans le second parce que la terre y est
meilleur marché. J ’ajoute qu’il est plus facile et .moins
coûteux de vivre dans un pays chaud que d'ans un pays
où il existe un hiver.
M. Saurin exagérait probablement l’importance du
métayage lorsqu’il ajoutait ; « A mon avis, le métayage
est le seul mode d’exploitation pratique pour celui qui ne
réside pas sur ses terres ou qui ignore les éléments de la
culture. Sans doute, il a ses imperfections comme toutes
les choses de ce monde, mais il offre de grands avantages,
celui qui habite son domaine et qui connaît bien son métier
aura parfois intérêt à employer le maître-valet qu’il paie
au mois ou à l’année. Quelle que 'soit la combinaison
adoptée, il faut que le citadin se double d’un bon paysan
français:* Il ne trouvera ni dans l’Arabe, ni même dans
l’Italien, l’habileté professionnelle, le bon sens, l’intelligence
pratique qu’on rencontre dans le cultivateur français
».
Si le colon, propriétaire, habite sur son domaine pendant
la plus grande partie de l’année, s’il possède 100 à
300 hectares et qu’il veuille employer des maîtres-valets,
M. Saurin estime qu’il « vaudra mieux pour lui, morceler
son domaine en cinq ou six exploitations que de créer
une seule exploitation géante. Il lui faudra dépenser
quelques milliers de francs de plus pour construire les
logements nécessaires, mais il les aura vite retrouvés
dans les économies réalisées sur le transport des fumiers
ou des récoltes. Il les retrouvera dix fois dans la plus-
value du sol le jour où il voudra morceler le domaine
pour n’importe quel motif ». Il estime que le rendement
sera plus fort. « Peut-on soutenir par exemple, dit-il, qu ùn
vignoble de 300 hectares confié, par lots de 15 hectares,
à vingt cultivateurs français ne sera pas beaucoup mieux
soigné que s’il est cultivé par des journaliers indigènes ou
italiens, dirigés par deux ou trois contre-maîtres françaisl?
En cas de mévente des vins, l’exploitation du grand
vignoble deviendra ruineuse partout où la vigne ne produira
pas 80 hectolitres à l’hectare ; elle sera encore