parmi les membres du Parlement et du gouvernement, est
que les colonies doivent être, avant tout, des lieux de consommation
pour les produits métropolitains », Il existe
même, au Ministère des colonies, un principe traditionnel
d’après lequel les colonies sont un lieu de déplacement
pour la jeunesse métropolitaine qui ne trouve pas à se
faufiler en France dans les cadres des administrations
publiques. Un gros fonctionnaire de ce ministère auquel
je faisais observer, il y a quelques années, que l’on multipliait
outre mesure les employés de tels et tels services
dans l’une de nos grandes colonies, me répondit : « Pourquoi
en limiterions-nous le nombre, du moment où c’est
la colonie qui les paie? » « Parce que, lui dis-je, les
sommes dépensées en traitements de fonctionnaires manquent
à la colonie pour faire les travaux d’utilité publique
dont elle a besoin. » Il eut un geste qui voulait dire :
« qu’est-ce que cela nous fait? » Et l’on a vu le Ministère
des colonies multiplier démesurément les fonctionnaires
dans toutes nos colonies, afin de donner satisfaction aux
députés ou sénateurs qui ont des clients à placer. Si la
Tunisie a pu échapper à cette ruineuse pratique, il en faut
voir la cause dans le fait que le ministre des affaires étrangères
dont elle dépend n’a, en raison de ses fonctions,
qu’une clientèle restreinte.. C’est grâce à cette condition
que les résidents généraux de la Tunisie ont pu, dans
une très large mesure, ne tenir compte que des besoins
des administrations de la Régence dans l’établissement
des cadres du personnel de çhacune d’entre elles.
Le régime économique de la plupart de nos colonies est
rendu défectueux par la prétention qu’a' la métropole
d’établir le régime douanier de nos établissements d’outremer,
et de l’établir en ne se préoccupant guère que des
intérêts métropolitains. « C’est dans cet esprit q;u’a été
conçu y en 1892, le régime douanier auquel nos colonies
sont soumises. Il n’en est pas une qui ne proteste contre
cette législation, faisant valoir que les. produits français
sont presque tous plus chers que les similaires étrangers,
que le fret entre la France et ses colonies est plus coûteux.
qu’entre les colonies et les ports où elles ont l’habitude de
s’approvisionner, que le> droits appliqués aux produits
étrangers n’empêchent pas les indigènes de les rechercher,
que la seule conséquence du régime protecteur est de les
faire payer plus cher, en appauvrissant les colonies, etc.
Les colonies demandent qu’au moins tous leurs produits
soient favorisés à l’entrée en France dans la même mesure
que les produits français le sont à l’entrée dans les colonies.
Elfes n’ont obtenu satisfaction sur ee second point
que dans une mesure tout à fait insuffisante. Certains de
leurs produits, tels que le café, le thé, etc., ne jouissent à
l’entrée en France que d’un dégrèvement égal à la moitié
du droit qui frappe les similaires étrangers; d autres,
comme le riz, sont moins favorisés, parce que les agriculteurs
français en craignent la concurrence ; les sucres sont
soumis à un régime qui ruine les Antilles, etc. Les colonies
se plaignent de ce traitement, peu conforme à celui
auquel on les soumet dans l’intérêt des producteurs métropolitains,
mais elles se heurtent à des forces qu’elles sont
incapables dq vaincre1. »
La Tunisie, ainsi qu’il ressort de ce qui a été dit dans les
chapitres précédents, a été traitée moins durement par la
France. Si la porte de la métropole n’a pas été entièrement
ouverte à ses vins, huiles; animaux, dont la quantité susceptible
d’être introduite en France est limitée par des
décrets, ses céréales et farines peuvent entrer librement
dans la métropole. Elle jouit, en un mot, par rapport à nos
autres établissements coloniaux, d’un véritable traitement
de faveur qui n’a pas été étranger au développement de
son agriculture et de ses industries. Ce régime â pour
conséquence de maintenir les, liens de solidarité et de sympathie
qui devraient toujours exister chez les colons à
l’égard de la métropole et que l’on ne trouve peut-être pas
au même degré qu’en Tunisie dans toutes nos colonies.
Les Français de la Tunisie ont encore à se louer de la
1. Voy. J.-L. de Lanessan, Principes de colonisation, p. 187, în Bibhoth
Scient. Internat., Alean, édit.